La récente mort de Matthew Perry braque les projecteurs sur une drogue connue de longue date : la kétamine. Plusieurs facteurs ont concouru à la mort déterminée comme «accidentelle» du comédien, Chandler Bing dans Friends : «noyade», «maladie coronarienne», ainsi que des «effets de la buprénorphine», un médicament visant à la désintoxication en cas de dépendance aux opioïdes, selon l’analyse toxicologique publiée vendredi 15 décembre au soir par le bureau de médecine légale du comté de Los Angeles.
Mais la mort de Matthew Perry, retrouvé inconscient le 28 octobre par son assistant dans un jacuzzi à son domicile de la métropole californienne, a aussi été en grande partie causée par «des effets aigus» d’une prise de kétamine. Libé fait le point sur cette drogue.
C’est quoi la kétamine ?
La «ké» ou «kéta» est un anesthésiant synthétisé dans les années 60 notamment à usage vétérinaire, et parfois détourné à des fins psychédéliques. Classé sur la liste des médicaments essentiels de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le produit est soumis à une autorisation de mise sur le marché limitée à une seule utilisation en milieu hospitalier. Ses propriétés, dissociatives notamment, ont séduit progressivement de nombreux consommateurs hors du cadre médical.
Quel usage ?
Longtemps, la kétamine est restée cantonnée au monde des raves et free-parties. Le point commun de ses adeptes est souvent d’être déjà consommateurs de produits psychotropes avant d’en tester la première fois. Les usages qu’ils en font sont tout aussi variés. Certains l’utilisent pour trouver le sommeil, d’autres pour la gestion du manque d’opiacés ou l’automédication en «micro-dosing». D’autres encore en sniffent occasionnellement en after ou en chemsex, pratique consistant à consommer des produits psychotropes pour intensifier les actes sexuels essentiellement répandue dans les relations entre hommes.
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Par ailleurs, depuis le début des années 2000 la substance a fait preuve d’une grande efficacité dans le traitement des patients atteints de dépressions sévères et résistantes, d’anxiété ou autres douleurs chroniques. Pendant la pandémie aux Etats-Unis, les restrictions sanitaires ont conduit les autorités à permettre aux médecins de prescrire à distance des médicaments, incluant la kétamine. Des entreprises, dont certaines étaient déjà spécialisées dans les traitements en cliniques, se sont alors lancées dans l’évaluation de potentiels clients, en ligne, et dans l’envoi des doses de drogue aux personnes considérées comme de bonnes candidates.
Quels effets ?
La kétamine est une substance psychoactive qui peut entraîner une dépendance, mettent en garde les experts. Outre les risques neuropsychiatriques (hallucination, paranoïa) ou les troubles cognitifs avec altération de la mémoire, son usage régulier peut affecter la vessie et les reins.
«Quand l’usager consomme de la kétamine, il peut y avoir une décorporation, l’usager se voit sortir de son corps», décrit Sabrina Cherki, coordinatrice du Système d’identification des toxiques et des substances (Sintes) à l’Observatoire français des drogues et tendances addictives (OFDT).
A très haute dose, il est possible d’atteindre un état très avancé d’effets psychoactifs appelé «K-Hole» : une perte totale de conscience, avec incapacité de bouger. Certaines personnes relatent en outre des expériences de mort imminente (EMI).
Quelle ampleur ?
Côté chiffre, il n’existe pas de données précises sur la consommation de kétamine car les taux de prévalence ne sont pas mesurés en population générale. Côté répression, 249 kg ont été saisis en 2018, selon l’Office antistupéfiants (Ofast). Depuis, le produit a disparu des statistiques annuelles. Seule une saisie de 152 kg sur un péage de l’Oise a été recensée en octobre 2022.
Reportage
Des chiffres marginaux comparés à ceux de la consommation de cannabis ou de cocaïne. L’usage détourné de la kétamine reste faible alors que, paradoxalement, le produit sous sa forme liquide, incolore et inodore, est particulièrement délicat à dénicher. En outre, les tests salivaires ne permettent pas de le détecter.
La kétamine se vend en poudre ou en cristaux pour 40 euros le gramme – moins chère que la cocaïne (autour de 70 euros). Elle arrive par fret postal, vendue sur le darknet depuis l’Asie du Sud-Est, en Inde notamment. Et parfois en passant dans le nord de la France, par Lille notamment.