Ce sont des médicaments qui suscitent beaucoup d’espoir auprès des patients atteints d’obésité et de spécialistes, et surtout un grand engouement depuis des mois. Mais face à la vogue et aux risques associés à ces traitements anti-obésité, l’agence du médicament annonce ce vendredi 5 juillet qu’elle va renforcer sa vigilance.
Cette famille de médicaments - dont font partie l’Ozempic contre le diabète et le Wegovy, son petit frère anti-obésité - mime une hormone secrétée par les intestins (GLP-1). Laquelle agit sur le pancréas pour favoriser la sécrétion d’insuline et envoie au cerveau un signal de satiété après l’ingestion de nourriture. Les uns sont donc indiqués contre le diabète de type 2, les autres pour le poids des personnes atteintes d’obésité. Et pour cette dernière indication, leur effet est redoutable : le Wegovy entraîne une perte de 15 % en moyenne. De quoi motiver des détournements à des fins esthétiques, alors que l’Ozempic rencontre un grand succès sur les réseaux sociaux - jusqu’à engendrer des ruptures de stock. La sphère médicale s’agite aussi et parle de «révolution thérapeutique» dans l’arsenal contre l’obésité, tandis que les labos y voient une manne non négligeable et se lancent dans le développement de leur propre traitement.
Bientôt 1 million de personnes concernées en France
«Environ 700 000 personnes en France prennent ce type de traitements, on va arriver très rapidement au million, et l’utilisation de ces molécules va encore augmenter dans les années à venir», a souligné Isabelle Yoldjian, directrice médicale au sein de l’ANSM. «Cette forte utilisation peut faire apparaître plus largement des risques jusqu’alors très rares ou montrer que des risques connus sont plus graves qu’envisagé». Pour rappel, l’Ozempic (prescrit contre le diabète) est disponible en pharmacie sous ordonnance, à l’inverse du Wegovy, uniquement disponible et remboursé pour les 10 000 patients bénéficiant d’un dispositif accès précoce.
Jusqu’alors - et c’est ce qui participe à l’engouement des spécialistes de l’obésité - l’Agence du médicament a «recensé peu de cas d’effets indésirables graves» sur cette classe de médicaments, «sans doute en raison des tensions importantes d’approvisionnement qui nous ont contraints à restreindre l’utilisation». Les plus fréquents sont non graves, notamment gastro-intestinaux (nausées, vomissements, douleurs abdominales…) ; d’autres, graves, sont rares (occlusions intestinales, calculs biliaires ou inflammations du pancréas…) Mais «lorsque ces tensions prendront fin, un plus grand nombre de patients pourront avoir accès aux traitements, ce qui pourrait entraîner une nette augmentation des cas d’effets indésirables graves.», redoute l’ANSM.
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Pour assurer cette surveillance, le groupement Epi-Phare - qui rassemble l’ANSM et l’Assurance maladie -, en collaboration avec un centre de Bordeaux, a lancé des études pharmaco-épidémiologiques. «Le travail va se développer sur trois ans et, s’il débouche dans l’intervalle sur des découvertes de risques, il permettra d’agir rapidement», explique Isabelle Yoldjian. Les scientifiques vont surtout se concentrer sur la fréquence des risques liés à une anesthésie pour les patients prenant ces traitements, d’étudier un possible risque accru d’idées suicidaires ou de surveiller des effets indésirables à long terme méconnus ou très rares, comme le risque de cancers de la thyroïde ou gastro-intestinaux.
L’agence du médicament en profite aussi pour réitérer ses avertissements sur les risques liés au détournement de stylos injecteurs, notamment à ceux «obtenus en dehors du circuit légal et sécurisé». De mêmes alertes ont été auparavant lancées par l’agence européenne du médicament et l’Organisation mondiale de la santé, sur des stylos faussement étiquetés Ozempic. En France, selon les estimations de l’Assurance maladie, 1,5 % des patients en prenant sont considérés en situation de mésusage. Une proportion probablement sous-estimée car elle ne prend en compte que les médicaments dispensés en pharmacie et remboursés.