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Libération
Souveraineté sanitaire

Médicaments stratégiques : l’Etat signe un accord inédit avec Upsa, le fabricant du Dafalgan

Comme le révèlent «les Echos», le laboratoire implanté en France depuis 1935 s’est entendu avec la France pour produire deux médicaments essentiels sur son site d’Agen, en échange d’un gel de deux ans sur les prix de ses produits à base de paracétamol, le Dafalgan et l’Efferalgan.
Upsa produit chaque année 320 millions de boîtes de paracétamol par an sur son site d'Agen (Lot-et-Garonne), dont 45% pour la France. (Andbz/ABACA)
publié le 21 novembre 2024 à 12h56

Voilà sans doute l’un des gagnants de la vente du Doliprane à un fonds américain et de la polémique qu’elle a suscité. Le laboratoire Upsa, producteur du Dafalgan – autre médicament phare français et principal rival du Doliprane – vient de signer un accord avec l’Etat, ont révélé les Echos le 20 novembre. L’entreprise pharmaceutique, filiale du groupe japonais Taisho Pharmaceutical depuis 2019, s’est ainsi engagée à produire sur son site d’Agen (Lot-et-Garonne) deux médicaments considérés comme stratégiques, à partir de 2026. En contrepartie, elle verra la baisse des prix sur le paracétamol – contenu dans les médicaments de ses marques Dafalgan et Efferalgan – gelée pendant deux ans.

Les deux produits concernés par cet accord ne sont pas encore connus. Upsa doit choisir parmi une liste d’une trentaine de molécules, dressée par l’Etat en octobre 2023 – l’un des volets de sa lutte contre les pénuries. Toujours selon les Echos, le labo étudierait sérieusement la Lamotrigine (un antiépileptique) et la Pregabaline (indiquée dans certaines formes d’épilepsie, d’anxiété et le traitement de douleurs liées à des lésions nerveuses).

Pour l’Etat, il s’agit de s’assurer qu’un autre fleuron pharmaceutique français ne s’échappe à l’étranger, complétant sa volonté de relocaliser de la production de médicaments stratégiques, politique martelée par Emmanuel Macron en 2023 afin de préserver la souveraineté sanitaire française. Pour Upsa, l’intérêt est de freiner la baisse de ses rentrées d’argent dans la vente de son produit vedette – actuellement, le prix de vente d’une boîte de Dafalgan hors taxe est fixé à 76 centimes en France.

71,6 millions de boîtes prescrites en 2023

Car si le Doliprane et son actualité ont éclipsé son principal rival français, ce dernier n’en reste pas moins beaucoup consommé : en 2023, 71,6 millions de Dafalgan ont été prescrits en France. C’est loin derrière la boîte jaune de Sanofi (plus de 300 millions), mais l’antidouleur d’Upsa grimpe tout de même à la deuxième place du classement de l’Assurance maladie, publié le 14 novembre. D’où l’enjeu, pour l’entreprise, de contenir la baisse de son prix le plus longtemps possible, alors que son usine d’Agen produit 320 millions de boîtes de paracétamol par an, dont 45 % pour la France.

Le laboratoire, fondé en 1935 à Agen, avait déjà bénéficié d’un moratoire de ce genre. Il l’avait obtenu en 2021, en échange d’investissements dans l’usine en construction par Seqens, en Isère, afin de relocaliser la production du principe actif du paracétamol, fabriqué hors d’Europe depuis les années 2000. Sauf que ce gel-ci s’achève.

Il faut dire que ces moratoires sont particulièrement intéressants pour les laboratoires alors que l’industrie pharmaceutique dénonce régulièrement le prix trop bas des médicaments génériques – dont font partie ceux à base de paracétamol. Ce qui explique aussi pourquoi ils préfèrent produire des molécules plus rentables, par exemple les médicaments innovants qu’ils peuvent vendre bien plus cher. Dans ce même objectif, Upsa s’est tourné ces dernières années vers les compléments alimentaires, marché lucratif en constante expansion, jusqu’à racheter en septembre un laboratoire spécialiste de ces produits.