Menu
Libération
Virus émergent

Moustiques tigres : plus de 1600 cas de dengue importés ont été identifiés en France métropolitaine depuis janvier

La Direction générale de la Santé et Santé publique France alertent ce mardi 23 avril sur une flambée de cas importés de dengue, près de treize fois supérieurs à l’année dernière sur la même période.
Au niveau mondial, 1 % des cas de dengue transmis par le moustique tigre dégénèrent en forme grave : fièvre et hémorragies potentiellement mortelles, avec de possibles atteintes neurologiques. (Manjunath Kiran/AFP)
publié le 23 avril 2024 à 15h04

Il ne mesure que cinq millimètres, mais son corps rayé de noir et de blanc inquiète de plus en plus les autorités sanitaires. Le moustique tigre et les virus qu’il transmet - les «arboviroses» - se répandent de façon exponentielle. Dengue en tête. Depuis le 1er janvier, 1679 cas importés de cette «grippe tropicale» ont été identifiés en France métropolitaine. C’est presque treize fois plus qu’à la même période l’année dernière, où ils étaient 131. «On est face à une situation inédite», confirme Caroline Semaille, présidente de Santé publique France, en conférence de presse ce mardi 23 avril.

20 % de ces cas concernent des plus de 65 ans, ainsi que «beaucoup de familles», mais «peu d’enfants». Tous ont été importés. Autrement dit, les personnes infectées ont été piquées en dehors de France métropolitaine. En majorité en Outre-mer : Guadeloupe, Martinique et, dans une moindre mesure, la Guyane. «Ce que nous observons dans l’Hexagone est le miroir de ce qu’il se passe aux Antilles et en Amérique du Sud», souligne l’épidémiologiste. Et pour cause : l’Amérique latine et les Caraïbes font actuellement face à une flambée épidémique «jamais atteinte». Plus de 4 millions de cas ont été recensés depuis le 1er janvier. Niveau trois fois supérieur à 2023 et plus de 5 fois par rapport à la moyenne des cinq dernières années.

Symptômes grippaux

«La dengue touche indifféremment les nourrissons, les enfants, ou adultes. La majorité des personnes infectées ne vont pas présenter de symptômes, ou ils seront très légers», décrit pour sa part le directeur général de la Santé, Grégory Emery. Ces maux ressemblent peu ou prou à un syndrome grippal : fièvre, mal de tête, douleurs musculaires, fatigues, nausées et vomissements. Ils se manifestent en moyenne 4 à 7 jours après la piqûre de l’insecte. Au niveau mondial, 1 % des cas dégénèrent en forme grave : la fièvre persiste et s’accompagne d’hémorragies potentiellement mortelles, avec de possibles atteintes neurologiques.

Aucune forme grave ni mort n’a jamais été pour l’instant répertoriée en France métropolitaine. Mais la dengue fait partie des 35 maladies infectieuses listées début avril par le Covars (comité scientifique) considérés comme les principaux risques pour la santé humaine au cours des prochaines années. Car avec l’explosion des cas, c’est aussi le nombre de cas graves qui augmente. D’autant qu’il n’existe pas, pour l’heure, de traitement spécifique – les médicaments ciblent seulement les symptômes. L’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (comme l’ibuprofène) sont contre-indiqués, au vu des risques hémorragiques.

A ce stade de l’année, l’enjeu des autorités sanitaires est de limiter au maximum les «chaînes de transmissions». C’est-à-dire éviter que des personnes infectées soient piquées par des moustiques tigres, vecteurs de la maladie, qui iront ensuite en contaminer d’autres. Et donc créer des foyers de cas «autochtones» - 45 ont été identifiés l’année dernière, dans neuf foyers. Comme le moustique tigre se répand de plus en plus en France, du fait de températures plus favorables liées au changement climatique, le risque de transmission augmente. Il a colonisé 78 départements, contre 59 en 2019.

Le moustique tigre s'étend en France métropolitaine

Aucun cas autochtone n’a été répertorié en 2024 - la période d’activité des moustiques, et donc la surveillance des autorités, débute le 1er mai. Mais il y en aura très certainement. «Le risque dengue fait partie des risques de l’été», confirme Grégory Emery. La maladie s’est même glissée dans les risques sanitaires identifiés lors des Jeux Olympiques. Lesquels débuteront en plein milieu de la période estivale, propice aux moustiques tigres. Et la venue de milliers de visiteurs multiplie, aussi, les risques de dengue importés.

Vider les coupelles et les gouttières

D’où les appels à la vigilance et rappels des mesures de prévention. «Le moustique tigre a besoin du gîte et du couvert, résume Caroline Semaille. Le gîte, c’est la stagnation d’eau. Le couvert, c’est le sang.» Comme ces insectes ne piquent qu’à quelques centaines de mètres de leur lieu de naissance, «le premier geste est d’éliminer les eaux stagnantes», insiste Grégory Emery. Car quelques millimètres d’eau dans une coupelle de fleur ou une gouttière suffisent pour leur servir de nid.

«La deuxième mesure concerne les personnes qui voyagent dans les zones à risques, poursuit le médecin de santé publique. Sur place, ils doivent se protéger au maximum contre les piqûres». A savoir porter des vêtements longs et amples, utiliser des répulsifs et des moustiquaires. Puis maintenir ces mesures de protection trois semaines après le retour du voyage. Et consulter un médecin en cas de symptômes. Ces mesures de précaution protègent aussi contre deux autres virus aussi transmis par le moustique tigre : le chikungunya et le Zika (respectivement 30 et 9 cas en France métropolitaine en 2023).

Sur le volet thérapeutique, deux vaccins contre la dengue sont aujourd’hui autorisés. Mais le premier est indiqué uniquement pour les personnes qui ont déjà été infectées. Quant au second, les autorités sanitaires attendent les recommandations de la Haute autorité de Santé pour l’inclure dans le calendrier vaccinal. Son avis est attendu en juin.