C’est le tout premier cas en dehors du continent africain. Jeudi 15 août, l’Agence suédoise de santé publique a annoncé avoir découvert chez une personne vivant dans la région de Stockholm le nouveau variant de Mpox, baptisé le «clade 1b», qui sévit dans plusieurs pays d’Afrique centrale ces derniers mois. La veille, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait déclenché l’urgence de santé publique internationale, son plus haut degré d’alerte sanitaire.
Selon l’organisation, il est désormais «probable» que d’autres cas importés du clade 1b «soient enregistrés dans la région européenne au cours des prochains jours et des prochaines semaines». Détectée en septembre en République démocratique du Congo (RDC), cette nouvelle souche pourrait être plus transmissible et plus mortelle que le variant précédent, qui avait déclenché une épidémie en 2022.
Qu’est-ce que le Mpox, anciennement appelé variole du singe ?
Endémique en Afrique de l’Ouest et centrale, le Mpox – anciennement appelée variole du singe ou monkeypox – n’est pas une maladie nouvelle. C’est en 1970 qu’elle a été détectée pour la première fois, dans l’actuelle RDC, avec la diffusion du sous-type clade 1. Les malades étaient alors généralement contaminés par des animaux infectés, par exemple en mangeant de la viande de brousse. Mais si le Mpox a longtemps peu préoccupé l’OMS – sa forme classique présentant a priori peu de risque épidémique –, la maladie est arrivée sur le devant de la scène en 2022, avec une épidémie majeure.
Dès le mois de mai de cette année-là, les cas de Mpox se sont multipliés à grande vitesse à travers le monde, affectant principalement les hommes homosexuels et bisexuels. La responsable était une mutation du sous-type clade 2 (dite «clade 2b»), qui facilitait la transmission entre humains du virus, notamment par relation sexuelle. En quelques mois, plus de 100 000 personnes dans une centaine de pays ont été touchées. Déclaré «urgence sanitaire internationale» le 23 juillet 2022 par l’OMS, le fléau Mpox est finalement maîtrisé début 2023 grâce à des campagnes d’information et une vaccination massive de la communauté homosexuelle, alors en première ligne.
Quel est ce nouveau variant qui inquiète l’OMS ?
Si l’épidémie de 2022 a été maîtrisée, une nouvelle souche du Mpox a été détectée en septembre 2023 en RDC et se répand depuis dans le pays. Des tests ont révélé qu’il s’agissait d’un nouveau variant du clade 1, résultat d’une mutation, appelé «clade 1b». Potentiellement plus transmissible et plus dangereuse que les précédentes, cette nouvelle souche inquiète. Elle «est responsable d’une maladie plus grave», assurait le 8 août le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
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Il faut dire que les chiffres relayés par les autorités sanitaires sont préoccupants. Depuis le début de l’année, plus de 15 000 cas de Mpox ont été rapportés en RDC (soit autant que pendant l’année 2023 entière), selon le ministre de la Santé, Samuel Roger Kamba Mulamba. Au total, l’épidémie a fait 548 morts depuis janvier et touche désormais toutes les provinces, a-t-il ajouté.
Où est-il constaté ?
Pour l’heure, l’épidémie s’est largement concentrée en RDC. Mais cette nouvelle souche a aussi été identifiée dans des pays limitrophes qui n’avaient jusqu’à présent jamais signalé de cas de Mpox : le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi. Jeudi 15 août, un premier cas hors d’Afrique a été annoncé, en Suède. Selon l’Agence suédoise de santé publique, le nouveau variant aurait été découvert sur un voyageur de retour d’Afrique. Dans les «prochains jours», l’Europe devrait connaître plus de cas de Mpox importés, a averti peu après cette annonce la branche européenne de l’OMS, qui assure que «la confirmation du Mpox du sous-type clade 1 en Suède reflète clairement l’interconnexion de notre monde». Ce vendredi 16 août, le Pakistan a fait à son tour état d’un premier cas de Mpox sur son territoire, mais il n’est pas certain qu’il s’agisse de la souche clade 1b.
«Pour l’instant, on peut parler d’épidémie régionale en Afrique de l’Est. Mais on ne peut pas encore parler d’épidémie comme en 2022», nuance auprès de Libération l’infectiologue et chercheuse à l’Inserm Karine Lacombe. Face aux risques, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a tout de même donné ce vendredi plusieurs recommandations, afin de «contenir toute éventuelle épidémie» en Europe. L’agence invite notamment à «isoler rapidement tout cas suspect», à mettre en œuvre du traçage des contacts ou encore à «fournir des conseils de voyage aux personnes visitant ou revenant» des pays touchés.
En France, le Premier ministre démissionnaire Gabriel Attal a annoncé ce vendredi 16 août le placement du système de santé français en «état de vigilance maximale», après une réunion avec la ministre démissionnaire de la Santé et le ministre délégué missionnaire chargé de la Santé et de la Prévention. Il a déclaré que des «mesures d’information et de recommandations nouvelles» seront instaurées pour les personnes voyageant dans les zones à risque, et saisi les autorités sanitaires pour qu’elles statuent sur «l’actualisation des recommandations» de vaccination relatives aux «populations cibles». Il tiendra un nouveau point sur la situation lundi 19 août.
Comment le virus se transmet-il ?
Sur le continent africain, deux modes de transmission ont été constatés, note Karine Lacombe : d’abord «le mode de transmission habituel du clade 1, avec une transmission des animaux aux enfants, et ensuite entre les enfants et avec la famille proche». Mais aussi, comme en 2022, la transmission par rapports sexuels, «qui semble être responsable de l’expansion du virus». Pour l’infectiologue à Garches Benjamin Davido, toutefois, difficile de savoir si le clade 1b a la même transmission que lors de l’épidémie précédente. «Est-ce que la transmission sexuelle va continuer à prédominer ? […] Ce qui est certain, c’est que l’augmentation des cas se fait de manière très rapide en Afrique, ce qui fait penser que le virus est plus transmissible.»
Dans les médias, nombreux sont ceux qui affirment que cette nouvelle souche est aussi plus mortelle. «On ne peut pas l’affirmer avec certitude pour l’instant, même s’il semble que oui, souligne Karine Lacombe. La mortalité élevée qu’on constate est sur le continent africain, au sein de populations fragilisées, en particulier des enfants.» En RDC, plusieurs enfants sont morts à la suite d’une infection au Mpox. Mais ce n’est pas pour autant qu’on peut parler d’une épidémie pédiatrique mondiale, insiste Benjamin Davido. «Les enfants sont particulièrement touchés en Afrique, mais on ne sait pas si ce scénario va avoir lieu sur le continent européen», nuance l’infectiologue, qui rappelle que «les épidémies se comportent parfois différemment selon les régions du monde».
Quels sont les symptômes ?
Chez les patients infectés, le clade 1b – tout comme le clade 1 d’origine – fait apparaître des éruptions cutanées sur tout le corps. Les précédentes souches, au contraire, étaient caractérisées par des éruptions et des lésions plus localisées, sur la bouche, le visage ou les parties génitales. L’apparition de ces symptômes peut aussi s’accompagner de fièvre, de maux de tête, de courbatures, de fatigue et de ganglions enflés et douloureux, précise le ministère de la Santé. Selon la même source, l’incubation de la maladie peut aller de cinq à vingt-et-un jours. Le patient «guérit le plus souvent spontanément, au bout de deux à trois semaines mais parfois quatre semaines».
Peut-on se faire vacciner ?
Si des vaccins existent contre le Mpox – et s’étaient révélés très efficaces en 2022 –, ils manquent encore largement en Afrique. Mardi 13 août, l’Africa CDC (les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies) a annoncé que quelque 200 000 doses allaient être déployées sur le continent, grâce à un accord avec l’Union européenne et le fabricant Bavarian Nordic. Mais le directeur général de l’agence, Jean Kaseya, a reconnu que ce ne serait pas suffisant. Selon lui, un programme bien plus ambitieux serait en cours d’élaboration et devrait permettre de distribuer dix millions de doses. «Si on veut éteindre cet incendie, la meilleure façon c’est d’agir à la source», acquiesce Benjamin Davido.
Tribune
Pour faire face à l’explosion des cas, Bavarian Nordic s’est dit prêt jeudi 15 août à produire jusqu’à 10 millions de doses de vaccins d’ici 2025. Ce vendredi, la société biotechnologique danoise a aussi annoncé qu’elle avait soumis des données à l’autorité de réglementation des médicaments de l’Union européenne en vue d’obtenir l’autorisation d’étendre l’utilisation de ses vaccins contre le virus aux adolescents âgés de 12 à 17 ans.
Si les chiffres des stocks sont «tenus secrets», Benjamin Davido l’assure : pour l’heure, en Europe, rien ne laisse à penser qu’on serait confrontés à un manque de vaccins. «On a les outils pour répondre rapidement et on sera capable de produire les vaccins. Après, tout va dépendre de la stratégie qu’on va devoir appliquer : si c’est une campagne de vaccination ciblée comme en 2022, ça va être facile. Pour l’instant, rien n’invite à lancer une campagne de vaccination globale.»
Les personnes vaccinées en 2022 sont-elles toujours protégées ?
Il y a deux ans, une large campagne de vaccination avait aidé à endiguer l’épidémie. Il est difficile pour l’heure de savoir si ceux qui se sont fait vacciner à l’époque sont toujours protégés. «La question qui se pose, c’est : est-ce que le vaccin protège aussi contre la nouvelle souche, le clade 1b ? Pour l’instant, on n’a pas de réponses précises. C’est en cours d’analyse, mais on pense que oui», assure Karine Lacombe. Selon l’infectiologue, des consignes de vaccination devraient sortir prochainement. «Ce qui devrait être publié, c’est que les personnes qui n’ont eu qu’une dose en 2022 pourront compléter avec une seconde dose. Pour celles qui ont eu deux doses, on ne revaccine pas. Et pour celles qui n’ont pas été vaccinées, on fait déjà une dose. Et probablement qu’elles seront convoquées à nouveau pour une seconde dose ultérieurement.»
Mise à jour : à 19 h 48, ajout des déclarations de Gabriel Attal.