Les Français sont-ils à l’abri du clade 1b, variant du Mpox dont la rapide propagation met les instances sanitaires internationales sur le gril ? Les virus ne connaissant pas de frontières, l’affirmer serait présomptueux. Détectée en septembre 2023 en république démocratique du Congo, l’épidémie de la nouvelle formule de cette maladie, anciennement appelée variole du singe (monkeypox), s’est déjà propagée dans la région, au Kenya, Rwanda, Burundi et Ouganda. Vu l’importance des relations entre l’Afrique et l’Europe, la détection du virus sur le Vieux Continent n’était qu’une question de temps. Jeudi 15 août, l’annonce par la Suède d’un premier cas diagnostiqué – une personne de retour d’Afrique – n’a donc surpris personne. «Il est probable que d’autres cas importés de clade 1b soient enregistrés dans la région européenne au cours des prochains jours et des prochaines semaines», a aussitôt fait savoir l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Même si aucun cas n’a pour l’heure été détecté en France, «il y a de fortes chances que des cas sporadiques apparaissent prochainement», a confirmé le ministre démissionnaire délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, dans une interview à la Tribune dimanche.
Interview
Reste à savoir s’il faut s’en inquiéter. Dans sa forme classique, le Mpox est une pathologie généralement bénigne. Cette zoonose, maladie virale transmise de l’animal à l’homme, se caractérise par l’apparition de pustules irritantes, le plus souvent aux extrémités (pieds et mains) qui disparaissent d’elles-mêmes au bout de quatre semaines environ. Les cas de formes graves – et les décès – observés en Afrique concernent très majoritairement des enfants, souvent déshydratés ou malnutris, dans le cadre de surinfections bactériennes sévères des lésions cutanées, et des patients positifs au VIH, non ou mal traités. Des drames que le maillage sanitaire serré rend improbable en Europe.
Le terrain de jeu du virus s’est considérablement agrandi
L’apparition d’un variant plus agressif que sa souche initiale, selon l’OMS, change quelque peu la donne. De fait, comme avant lui son cousin clade 2b, à l’origine de la flambée épidémique mondiale de 2022, clade 1b s’est adapté à la transmission interhumaine. L’apparition de pustules sur l’intégralité du corps cette fois multiplie le risque de propagation traditionnelle par contact avec les lésions cutanées ou les objets touchés par le malade (lingerie, poignée de porte, etc.). Surtout, une étude parue en juin dans Nature Medicine suggère que ce variant se transmet aussi par voie sexuelle (via les fluides corporels). Même si les données scientifiques manquent pour l’affirmer avec certitude, une transmission en face-à-face via les postillons n’est pas non plus à exclure. En clair : le terrain de jeu du virus s’est considérablement agrandi. Or davantage d’individus infectés, c’est mécaniquement plus de personnes vulnérables potentiellement exposées au virus, comme les enfants en bas âge dont le système immunitaire et inachevé ou les malades immunodéprimés.
Pour autant, «le risque d’infection par un virus Mpox de clade 1 pour la population européenne est considéré à ce jour comme faible par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies», relève Santé publique France. C’est que l’Europe dispose d’un réseau performant de diagnostic et de détection des cas, entre présence médicale et information du public (1). Un atout majeur, puisqu’il suffit d’isoler les personnes infectées pour stopper le virus. Les mêmes en sont quitte pour une pénitence parfois très douloureuse en cas de lésions sur les muqueuses ou les organes génitaux, mais sans conséquences délétères si elle est médicalement encadrée.
Un «stock robuste» de vaccins
Des trous dans la raquette étant toujours possibles, la riposte sanitaire est prête. Suite à l’épidémie de Mpox de 2022, une campagne de vaccination a été lancée pour protéger la population la plus à risque – à l’époque la communauté gay – avec 150 000 vaccinés à ce jour. Avec succès : le variant clade 2b ne circule plus aujourd’hui qu’à bas bruit (entre 12 et 26 cas recensés en France entre janvier et juin) et de façon bénigne, aucun décès n’ayant été signalé. Efficace contre clade 2b, le produit, tout comme les deux autres vaccins homologués depuis, l’est a priori aussi contre clade 1b. La France disposant, selon Frédéric Valletoux, d’un «stock robuste», une vaccination préventive des nouveaux publics à risque, notamment les travailleuses du sexe, pourrait cette fois encore permettre d’endiguer rapidement le fléau s’il venait à s’étendre. En outre, les personnes immunodéprimées, et donc peu réactives à la vaccination, peuvent en France se voir prescrire l’antiviral tecovirimat, traitement préventif qui a prouvé son efficacité contre les formes graves du Mpox en 2022. Une chance que, pour l’heure, les Congolais n’ont pas.
(1) Pour tout besoin d’information sur les symptômes, les traitements, les mesures de prévention, la vaccination, ou les dispositifs de prise en charge du Mpox, un numéro vert 0 801 90 80 69 (appel et services gratuits, anonyme et confidentiel) est ouvert tous les jours de 8 heures à 23 heures.