Menu
Libération
Le hic

Mutuelle à 1 euro par jour : la mesure proposée par Gabriel Attal est bien moins avantageuse que le système de complémentaire santé solidaire

Le Premier ministre a présenté samedi 15 juin certaines propositions qui seraient mises en place en cas de victoire du camp présidentiel aux prochaines législatives. Dont une mutuelle à 1 euro par jour, plus chère que l’actuelle C2S créée dans les années 2000.
Avec l’actuelle Complémentaire santé solidaire, les dépenses médicales peuvent être totalement gratuites pour une personne touchant moins de 10 166 euros de revenus par an. A Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), vendredi 14 juin. (Denis Allard/Libération)
par Jeanne Toutain
publié le 17 juin 2024 à 17h47

Au mieux, c’est une annonce qui tient du feu de paille, au pire, c’est une régression. Samedi 15 juin, le Premier ministre, Gabriel Attal, a dévoilé les grandes lignes du programme du parti Renaissance pour les élections législatives des 30 juin et 7 juillet. Des mesures principalement axées sur le pouvoir d’achat. L’une d’entre elles a fait tiquer certains professionnels de la santé et économistes : l’annonce de la mise en place d’une complémentaire santé «publique» à 1 euro par jour, pour ceux qui ne sont pas couverts par une mutuelle.

Le hic, c’est qu’un système bien plus avantageux existe déjà : la complémentaire santé solidaire ou la C2S. «C’est anciennement la couverture maladie universelle (CMU) lancée dans les années 2000», précise l’économiste Nicolas Da Silva. Cette aide publique, qui s’ajoute au remboursement prévu par la Sécurité sociale pour les dépenses de santé, est réservée aux personnes dont les ressources sont modestes. Il existe deux types de C2S : la gratuite et la payante. L’éligibilité à l’une ou l’autre «dépend du seuil de revenus et de la composition du ménage», développe Nicolas Da Silva.

Participation financière indexée

Ainsi, les dépenses de santé peuvent être totalement gratuites pour une personne touchant jusqu’à 10 166 euros de revenus par an, selon le site de l’assurance maladie. Pas besoin de calcul pour comprendre que c’est moins que l’euro proposé par Gabriel Attal. Les personnes éligibles à la C2S payante sont celles dont les ressources vont de 10 166 euros à 13 724 euros par an. La participation financière est alors indexée à l’âge du bénéficiaire. «Par exemple, les personnes de 29 ans et moins doivent payer 8 euros par mois, car on considère que plus on est jeune moins on est malade», poursuit Nicolas Da Silva. Soit environ 3 centimes par jour. Là encore, c’est inférieur à 1 euro.

Qu’en est-il des personnes âgées, considérées comme plus à risque de développer des maladies ? «Le seuil de participation financière le plus élevé concerne les 70 ans et plus», indique l’économiste. Il leur est demandé une contrepartie de 30 euros par mois. Ainsi, un euro par jour est déjà le montant maximum à payer pour un bénéficiaire du C2S. La mesure annoncée par Gabriel Attal n’apporte donc rien de nouveau. Pis : si elle était mise en place, elle serait une régression par rapport au système qui existe actuellement.

Problème du «non-recours au droit»

Pour Nicolas Da Silva, «le problème d’aujourd’hui n’est pas l’absence de droit pour les plus précaires, mais un non-recours au droit». Environ un tiers des 11 millions de personnes éligibles à la C2S n’en bénéficiaient pas en 2020, d’après les estimations de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. Les raisons sont multiples : méconnaissance de cette aide, crainte de la discrimination ou difficultés à réaliser les démarches nécessaires… «C’est parfois un vrai parcours administratif du combattant pour la mettre en œuvre», soupire l’économiste.

Une annonce du Premier ministre sur «un dispositif de lutte sur le non-recours» à ce droit aurait été «plus utile». «Cela aurait eu du sens», affirme Nicolas Da Silva. Surtout lorsqu’on sait que le manque d’accès aux aides financières pour les dépenses de santé conduit à une situation potentiellement dangereuse : le renoncement aux soins.