Menu
Libération
Justice

Nouveau volet pour le scandale de la Dépakine : une riveraine de l’usine Sanofi porte plainte

Dans les Pyrénées-Atlantiques, une plainte a été déposée contre Sanofi pour mise en danger d’autrui par la mère de deux enfants autistes. Elle estime avoir inhalé, malgré elle, les émanations toxiques de l’usine. D’autres plaintes pourraient suivre.
L'usine de Sanofi à Mourenx, dans les Pyrénées-Atlantiques. (Quentin Top/Hans Lucas. AFP)
publié le 20 novembre 2023 à 17h45

La Dépakine, antiépileptique produit par Sanofi, une nouvelle fois pointée du doigt. Pour les effets dus à sa consommation d’une part. Mais aussi, et c’est là un nouveau volet judiciaire qui s’ouvre, pour les rejets toxiques liés à sa fabrication au sein de l’usine de Mourenx, dans les Pyrénées-Atlantiques. La mère de deux enfants «atteints de troubles neurocomportementaux» qui travaillait, lors de ses grossesses, «en face» de cette usine produisant le médicament Dépakine, a porté plainte à Paris.

L’annonce a été faite ce lundi 20 novembre par une association de familles de victimes. Mélanie S. précise, dans un article du journal le Monde, qu’elle n’a pourtant jamais pris ce comprimé. Un fait inédit et qui se distingue des autres dossiers en cours. Ce médicament est un antiépileptique dont les risques pour l’enfant – malformation et troubles du développement comme l’autisme – sont en effet déjà bien connus s’il est pris par la mère enceinte.

Selon son avocat, Charles Joseph-Oudin, «il n’y a pas d’autre cause possible» à l’origine des troubles de ses enfants que les rejets toxiques de l’usine dans l’air qu’elle a respiré. «On découvre aujourd’hui que la contamination se fait aussi par les voies aériennes», ajoute-t-il sur France Info. Il précise que sa cliente a déposé plainte le 15 novembre pour «blessures involontaires ayant entraîné une ITT de plus de trois mois, mise en danger de la vie d’autrui et non signalement d’effet indésirable».

De son côté, Sanofi a expliqué n’avoir «pas connaissance de cette procédure» et qu’aucune des études déjà réalisées ou en cours «à ce stade n’a permis de faire ressortir un risque particulier» lié aux «émissions atmosphériques» générées par la fabrication du médicament.

«Je suis scientifique. Je ne peux rien affirmer. Je m’interroge sur le lien entre mon exposition et les troubles constatés chez mes enfants» nés en 2014 et 2016, explique la plaignante, âgée de 37 ans, dans les colonnes du Monde. C’est le diagnostic d’autisme de sa fille cadette en juillet, trois ans après que son fils a été diagnostiqué du même handicap, qui l’aurait décidée à porter l’affaire en justice, précise le quotidien national. La fin de plusieurs années d’hésitations. Elle espère que la justice puisse «répondre à [ses] questions et enquêter au-delà de [son] cas sur ce qui pourrait potentiellement être un scandale sanitaire».

«Probablement un cluster dans la région»

Selon un communiqué de la présidente de l’Association des parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac), Marine Martin, le «taux de dépakinémie» de la plaignante, équivalent au taux de Dépakine dans le sang, s’est révélé «positif, comme chez de nombreux salariés». Ce test de dépakinémie a été réalisé en 2018, après les premières révélations autour des rejets de l’usine. C’est selon elle «une preuve concrète que cette femme, qui n’était pas sous traitement, avait bien inhalé des rejets». «Il est inadmissible que là encore Sanofi affiche un déni de sa responsabilité dans les rejets toxiques qu’il a déversés entre 2013 et 2019 sur le bassin de Lacq», s’est-elle indignée, affirmant qu’il y a «probablement un cluster dans cette région».

L’action de cette mère «confirme le bien-fondé de la plainte déposée par les syndicats des travailleurs, qui sont les premières personnes exposées et des sentinelles concernant la mise en danger des riverains», rappelle François Lafforgue, avocat de la CGT locale et de la Fédération nationale des industries chimiques CGT, parties civiles à l’origine de l’ouverture d’une information judiciaire en août 2022. Un juge d’instruction du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris enquête depuis cette date sur les rejets toxiques de cette usine classée Seveso, en plein bassin pétrochimique du Lacq, pour «mise en danger d’autrui» et «délit d’obstacle à agent habilité». C’est l’association France Nature Environnement (FNE) qui avait tiré la sonnette d’alarme sur ce volet environnemental du scandale de la Dépakine. L’association faisait alors état de rejet de «matières dangereuses à des taux astronomiques» sur le site Sanofi de Mourenx.

La présidente de l’Apesac compte sur cette plainte pour «délier les langues». «J’ai été contactée par plusieurs familles et aujourd’hui, il y en a plus de dix qui sont dans des démarches, mais il y a une omerta totale.» Une seule famille a porté plainte à ce stade. L’avocat Charles Joseph-Oudin évoque quant à lui des dossiers en cours de constitution pour une dizaine de familles. Un long combat judiciaire se profile.