Des «donneurs de masse». Dans un aveu réalisé lundi 14 avril à la télévision néerlandaise, et repéré par le Guardian, la société néerlandaise d’obstétrique et de gynécologie (NVOG) a révélé qu’au moins 85 donneurs de sperme aux Pays-Bas ont engendré bien plus que ne l’autorise la loi. Jusqu’en 2018, le nombre d’enfants qui pouvaient être conçus grâce aux gamètes d’un donneur était de 25 – à titre de comparaison, il est de 10 en France. Or la majorité de ces «méga-donneurs» seraient les pères biologiques de 26 à 40 enfants, et plusieurs en auraient eu entre 50 et 75. «Le nombre de donneurs de masse dans les cliniques aurait dû être nul, a concédé la gynécologue Marieke Schoonenberg à l’émission Nieuwsuur. Nous tenons à nous excuser au nom de la profession, nous n’avons pas fait les choses correctement.»
Vu de France
L’association professionnelle, qui n’a pas respecté ses propres directives, a avoué que certaines cliniques de fertilité avaient délibérément enfreint les règles existantes. Elle s’en est aperçue grâce à l’entrée en vigueur, le 1er avril, d’une nouvelle loi, créant un registre national avec l’identité de tous les Néerlandais ayant fait don de leurs gamètes depuis 2004 – année où le don anonyme a été interdit dans le pays. «Pour la première fois, on connaît le nombre de descendants pour chaque donneur aux Pays-Bas», explique la gynécologue Marieke Schoonenberg. Pendant des années, certains établissements auraient utilisé des lots de sperme plus de 25 fois, échangé du sperme sans les documents nécessaires et à l’insu des donneurs. Et autorisé le don de sperme dans plusieurs cliniques différentes, ce que la loi interdit.
De tels agissements peuvent avoir de graves répercussions. La limite de 25 enfants par donneur (réduite à 12 depuis 2018 mais entrée en vigueur seulement ce mois-ci) n’est pas anodine : cette loi vise à réduire le risque d’inceste involontaire et de consanguinité, dans ce pays de 17 millions d’habitants. Mais elle s’est avérée difficile à appliquer en raison de la confidentialité entourant la procédure. Si la NVOG a présenté ses excuses, elle a également exhorté les mères, les donneurs et les enfants à contacter les centres de fertilité. Interrogée par la télévision hollandaise, Brenda Frederiks, mère de deux enfants conçus grâce au don de sperme, a ainsi découvert qu’ils avaient en réalité 34 demi-frères ou demi-sœurs biologiques.
Pour aller plus loin
Des révélations dignes d’une «catastrophe médicale», selon la fondation néerlandaise Stichting Donorkind, qui aide les enfants à retrouver leur père biologique. Auprès du Guardian, Ties van der Meer, membre de la fondation, ajoute que ces données signifient qu’il y a probablement au moins 3 000 enfants aux Pays-Bas ayant 25 demi-frères et sœurs ou plus. «Le préjudice causé à la confiance des gens dans le système médical et dans les gouvernements qui ont permis que tout cela se produise n’est qu’un début», a-t-il déclaré au quotidien britannique. Pour lui, les enfants concernés sont également susceptibles de rencontrer des problématiques anxiogènes en grandissant : «Dès qu’ils commencent à fréquenter quelqu’un, ils doivent faire des tests ADN pour s’assurer qu’ils ne sortent pas avec un proche».
L’affaire va plus loin. D’après la NVOG, parmi ces 85 donneurs de masse, 10 médecins auraient engendré volontairement au moins 81 enfants dans leur clinique. Ce n’est pas la première fois, aux Pays-Bas, qu’un tel scandale éclate : par le passé, des médecins avaient également eu recours à leurs propres gamètes pour des inséminations (y compris en France). Le plus célèbre et prolifique donneur néerlandais, Jonathan Jacob Meijer, aurait engendré au moins 550 enfants dans le monde – dont une centaine rien qu’aux Pays-Bas, de manière légale et clandestine. Son histoire a fait l’objet d’un documentaire sur Netflix, l’Homme aux 1 000 enfants. Il a été condamné par la justice en 2023 et a désormais l’interdiction de donner son sperme à tout-va.