La bronchiolite touche chaque hiver près d’un nourrisson sur trois. Cette année un traitement préventif contre le virus respiratoire syncytial (VRS) a été proposé aux parents : le Beyfortus. Problème, alors que l’Ile-de-France, la Bretagne, les Pays de la Loire, la Guadeloupe, la Martinique ou la Guyane sont entrés en «phase épidémique», les doses de cet anticorps monoclonal viennent à manquer face à la demande parentale croissante. D’abord accessible en pharmacie sous présentation de prescription et en maternité à l’hôpital, le ministère de la Santé a restreint l’accès au traitement aux seules maternités le 27 septembre. Un mois plus tard, France Inter révélait qu’au sein des maternités, les soignants devaient trier les nourrissons pour administrer les doses. Au centre hospitalier de Châteaubriant-Nozay-Pouancé (Maine-et-Loire), le service pédiatrie «navigue à vue dans l’administration de ses doses» et a donc décidé de réserver le traitement aux enfants à risques. Pour Libération, Andréas Werner, président de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa) et pédiatre, détaille les causes de la «surpriorisation» de ce traitement contre la bronchiolite.
Comment expliquer cette pénurie de doses de Beyfortus ?
S’il est important de rappeler que les épidémies, comme celle de la bronchiolite, commencent de plus en plus tôt et durent de plus en plus longtemps, le ministère de la Santé a commandé des doses de Beyfortus entre mai et juin. Il a fallu à ce moment-là estimer la quantité de doses nécessaire pour l’hiver. Pour cela, on se fie à un indicateur, le taux d’adhésion des parents à d’autres vaccins ou traitements pour enfants. Le choix s’était porté sur le traitement contre la gastro-entérite pour lequel l’adhésion des parents avoisinait les 20-30 %. 200 000 commandes ont donc été effectuées au printemps mais il en faudrait aujourd’hui 500 000 pour répondre à la demande parentale…
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L’Etat dispose actuellement de 38 000 doses dans ses réserves, toutes en petits dosages (du 50 mg) et il dispose encore d’environ 10 000 doses en 10 mg. En réunion mercredi 25 octobre au matin avec des représentants du ministère de la Santé, les différentes associations de pédiatrie ont été tenues au courant de la situation. D’autres livraisons sont en cours. Des doses supplémentaires, commandées auprès des laboratoires, devraient être livrées dans le courant du mois de novembre. C’est plutôt rassurant. Le pic de l’épidémie arrivera en décembre et le pire serait d’être incapable de protéger les enfants à ce moment. Ce qui ne devrait pas arriver entre la nouvelle livraison et la «surpriorisation».
Cette «surpriorisation» ne traduit-elle pas une situation d’urgence ?
Ce terme illustre une situation particulière et une réaction primordiale. L’Afpa, la Société française de pédiatrie et la Société française de néonatologie ont été consultées pour élaborer ces mesures pour protéger les bébés les plus à risques. Ce sont tout d’abord les prématurés et les nourrissons présentant un très faible poids à la naissance, qui pèsent moins de 2,5 kilos. Restent aussi les enfants avec des pathologies néonatales. Nous avons également choisi de compter les bébés dont la fratrie est souvent dans des lieux publics. Si l’enfant est le quatrième d’une fratrie et que les trois autres vont à la maternelle, c’est un enfant à risque.
Il y a également des raisons financières à prendre en compte. Certaines situations socio-économiques ne permettent pas aux parents de prendre des mesures de distanciation ou de protection sociale. Dans des familles où les deux parents reprennent le travail très tôt après la naissance de l’enfant et pour lesquels une garde à domicile ne peut être mise en place, le bébé se retrouve à la crèche où il peut contaminer et être contaminé plus facilement. Là, c’est un autre enfant à risque à protéger. C’est sûr, si vous êtes un premier-né qui reste à la maison pendant six mois voire plus, vous avez quand même beaucoup moins de chances d’attraper le virus.
Que dire aux familles dont les enfants ne peuvent bénéficier du traitement ?
Quand on leur explique bien que leur enfant est beaucoup moins à risque que d’autres et qu’il faut faire un choix, ils le comprennent plutôt bien. Il faut par ailleurs que ces familles appliquent toutes les mesures de distanciation sociale que l’on a apprises pendant les deux ans de Covid. Ne pas amener son bébé en grande surface. Pour le protéger il faut porter un masque si le parent est malade. Il faut bien aérer les pièces et se désinfecter les mains. Il faut se souvenir que pendant le Covid on avait quasiment plus de bronchiolite. Rappelons également que 200 000 bébés vont être protégés. Par rapport aux autres grands pays européens où il y a zéro immunisation, la circulation générale du VRS va être nettement moins importante. Il y a une protection indirecte. De plus, nous sommes en début d’épidémie et en ce moment ce ne sont pas des bronchiolites dues au VRS (contre lequel agit Beyfortus) qui sont les plus fortes. En début de saison, ce sont les bronchiolites dues aux rhinovirus qui contaminent les enfants. Au milieu de l’épidémie, vers décembre, 90 % des infections sont à imputer au VRS et en fin d’épidémie c’est le virus de la grippe qui devient la cause principale de bronchiolite. Pour protéger ses enfants contre ces bronchiolites tardives, on peut toujours vacciner les bébés et leur entourage contre ces virus.