Les tensions persistent en Nouvelle-Calédonie, malgré l’envoi massif de policiers et de gendarmes depuis la métropole qui a permis de circonscrire les manifestations et les violences qui agitent l’archipel depuis la mi-mai. Vendredi 31 mai, le haut-commissaire de la République dans le territoire ultramarin, Louis Le Franc, affirmait que la «totalité» de la capitale, Nouméa, était repassée «sous contrôle de l’Etat».
Mais des barrages restent présents en périphérie, notamment autour du Médipôle de Koutio, un centre hospitalier situé à Dumbéa, dans la banlieue nord de Nouméa, selon le docteur Thierry de Greslan, président du comité médical de l’établissement, qui a confié son inquiétude à la radio, ce mardi 4 juin. «On ne peut pas assurer notre mission de service public, on ne prend que les urgences», a-t-il déploré sur les ondes de la station néo-calédonienne Radio Rythme Bleu, ouvertement anti-indépendantiste. Sur sa page Facebook, l’établissement indique que «la sécurité des routes pour accéder à l’hôpital n’est pas garantie» et appelle les habitants à «éviter de se déplacer, sauf en cas d’urgence».
«Un problème majeur de défaut de soins»
«Les malades n’arrivent pas au Médipôle [en raison des barrages]. On est dans un problème majeur de défaut de soins, de carence de soins pour les gens qui ne peuvent pas être récupérés par le Samu, car celui-ci n’est pas en situation de sécurité pour aller chercher les malades qui sont en ville. […] On a déjà eu des décès les semaines précédentes, et ça continue en raison d’un défaut de prise en charge des personnes qui souffrent de malades chroniques à domicile», souligne Thierry de Greslan. Au plus fort de la crise, le gouvernement calédonien avait confirmé le décès d’au moins une personne faute de dialyse.
Interrogé par Libération fin mai, le président du comité médical estimait à «deux à trois par semaines» le nombre de personnes décédées par manque d’accès aux soins. «On réitère notre demande de laisser passer les soignants, les ambulances et les navettes terrestres qui ramènent les soignants», insiste-t-il sur Radio Rythme Bleu, dénonçant une «mise en danger» du personnel.
A Dumbéa, où se trouve le centre hospitalier, un homme avait été grièvement blessé par balle mercredi par un membre du GIGN après avoir, selon le procureur de la République de Nouméa, ouvert le feu sur des gendarmes. Un gendarme a également été blessé en tombant «dans une bouche d’égout piégée». Il a marché sur des branchages placés par-dessus afin de la masquer. «D’une profondeur de 1,20 m, des ferrailles à béton de 2 mm de diamètre ont été positionnées au fond à la verticale pour créer des pieux», détaille le procureur. Sept personnes, dont deux gendarmes, ont été tuées depuis le début mi-mai de la crise néo-calédonienne, déclenchée par une réforme du corps électoral poussée par l’exécutif à Paris et adoptée par l’Assemblée nationale le 14 mai.
Lundi, le Front de libération national kanak socialiste (FLNKS), principale formation indépendantiste, a de nouveau appelé Emmanuel Macron à abandonner le projet de loi, qui doit encore être approuvé par le Parlement réuni en Congrès. «Une telle annonce permettra […] d’apaiser les tensions actuelles pour une reprise des discussions sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie», a estimé le bureau politique du FLNKS. Lors de sa visite éclair dans l’archipel le 23 mai, Emmanuel Macron avait indiqué qu’il n’y aurait «pas de passage en force» pour faire adopter le texte mais pas non plus de «retour en arrière».
La situation sur place évolue tout de même : les vols commerciaux depuis et vers l’aéroport international de La Tontouta vont reprendre progressivement dès mercredi, a annoncé ce mardi la compagnie locale Aircalin. Au total, «depuis le 13 mai, Aircalin a dû annuler 185 vols, impactant près de 20 000 passagers», a précisé le groupe dans son communiqué.
Mise à jour le 4 juin à 11 h 40 : ajout d’un gendarme blessé par «bouche d’égout piégée» et de la reprise des vols commerciaux.