Ce sont des quintes de toux incontrôlables, suivies de sifflements évoquant le chant d’un coq : épuisantes pour la plupart des personnes infectées, mais pouvant entraîner de graves complications, voire être fatales pour les tout-petits et les plus fragiles. La coqueluche, infection respiratoire hautement contagieuse, se répand à nouveau dans l’Hexagone depuis le début de l’année.
Au moins 17 personnes en sont mortes en 2024, selon le dernier bulletin de Santé publique France daté du 28 juin. Dont 14 enfants, majoritairement des bébés âgés de 1 à 2 mois. Au moins 80 nourrissons de moins de douze mois ont été hospitalisés depuis le début de l’année, déjà le double de 2023. «Un taux anormal d’enfants se retrouve à l’hôpital pour la coqueluche. On reste très vigilants pour éviter les transmissions, mais on arrive à juguler les hospitalisations, assure auprès de Libération Julie Toubiana, pédiatre à l’hôpital Necker-Enfants Malades (Paris). Ce sont surtout les laboratoires, en ville, qui sont surchargés.»
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Pourquoi la maladie circule-t-elle activement ?
Le retour de la coqueluche n’est, en soi, par préoccupant. Il était même attendu, puisque la maladie circule selon des cycles de recrudescence tous les trois à cinq ans. Le dernier datait de 2017-2018. «Les inconnues actuelles concernent sa durée et son ampleur, précise Fatima Aït El Belghiti, en charge de la coqueluche à Santé publique France. L’augmentation qu’on observe est exponentielle et extrêmement importante.»
Pour l’expliquer, elle pointe en particulier un effet indirect du Covid. Car les mesures barrières, entre confinements et masques, ont quasiment stoppé la circulation de nombreux germes dont la bactérie Bordetella pertussis, responsable de cette infection respiratoire. «Pour maintenir une réponse immunitaire efficace, il faut que nos anticorps soient réexposés régulièrement. Comme il n’y a pas eu de coqueluche pendant longtemps, un nombre faramineux de personnes vont développer la maladie au moindre contact avec la bactérie.» L’épidémiologiste cite aussi d’autres facteurs, comme le changement, il y a quelques années, du type de vaccin administré : celui utilisé aujourd’hui est mieux toléré et permet d’immuniser plus largement, mais a une durée de protection un peu plus courte.
Il est impossible, à ce jour, de prédire quelle sera la dynamique de l’épidémie dans les semaines et les mois à venir. Alors l’approche des Jeux olympiques, tandis que les autres pays européens connaissent la même recrudescence, amène les agences de santé à redoubler de vigilance.
Quelle est l’origine de l’infection et ses effets ?
La bactérie Bordetella pertussis se transmet par des gouttelettes, lorsque les personnes infectées toussent ou postillonnent. Elle est très contagieuse : un malade contamine en moyenne 15 à 17 personnes – bien plus que la varicelle, par exemple. Après dix jours d’incubation environ viennent les premiers symptômes. D’abord un simple nez qui coule, sans fièvre. Puis les fameuses quintes de toux apparaissent. Elles peuvent durer des semaines, voire des mois – ce qui vaut à la coqueluche le surnom de «toux des 100 jours». «En dehors des quintes, les malades n’ont pas de symptôme. Ils sont surtout fatigués par cette toux, qui affecte leur sommeil», souligne Julie Toubiana, aussi responsable adjointe du Centre national de référence Coqueluche à l’Institut Pasteur.
Mais la violence et répétition des quintes peuvent provoquer des spasmes voire des vomissements, et surtout compliquer la respiration. Les jeunes enfants, en particulier, deviennent rouges voire bleutés, parce qu’ils ont du mal à s’oxygéner. «Chez les petits nourrissons, les quintes peuvent être très mal tolérées, avec des arrêts respiratoires transitoires et une diminution de la fréquence cardiaque», explique la pédiatre. Les personnes immunodéprimées, avec des problèmes respiratoires, enceintes ou très âgées sont aussi vulnérables – les trois adultes décédés en 2024 avaient plus de 80 ans et des comorbidités.
Quelle durée de contagiosité ?
Détail qui a son importance : une personne infectée est contagieuse pendant trois semaines. Sauf qu’elle est asymptomatique durant la première. Certaines formes plus légères chez l’enfant vacciné et l’adulte peuvent aussi passer inaperçues – une toux qui traîne pendant sept jours, sans fièvre, est suspecte.
«Contrairement à la grippe et aux virus respiratoires saisonniers qui circulent essentiellement en hiver, on se rend compte depuis quelques années que la coqueluche aime la fin du printemps et le début de l’été», ajoute Fatima Aït El Belghiti. Alors si vous vous mettez à tousser en ce mois de juillet, pensez à la coqueluche – et au Covid, qui circule aussi davantage depuis plusieurs semaines.
Quels traitements ?
Il existe un traitement antibiotique contre Bordetella pertussis. Des études montrent aussi que s’il est pris suffisamment tôt, il semble limiter l’évolution vers des formes graves chez les nourrissons. Mais les quintes de toux persistent quand même après la disparition de la bactérie.
Le bouclier le plus efficace est donc la vaccination, sur laquelle a encore insisté la Haute autorité de Santé (HAS) le 22 juillet. Elle est obligatoire pour les enfants nés à partir de janvier 2018 : deux doses administrées à 2 puis 4 mois, avec un rappel à 11 mois. «La coqueluche est une maladie évitable par les vaccins. Celui à notre disposition est extrêmement efficace», insiste la chercheuse de Santé publique France.
Parce qu’ils sont trop jeunes pour être vaccinés, les nourrissons de moins de 2 mois sont les plus à risques. Les bébés non ou partiellement vaccinés sont aussi plus susceptibles de développer une coqueluche «maligne» : forme beaucoup plus rare, très grave, qui atteint le corps entier. Le cœur, le foie, les poumons deviennent défaillants ; le cerveau peut lui aussi être touché. «C’est ce qu’on redoute le plus. Elle est très compliquée à prendre en charge, même dans nos services de réanimations les plus performants», prévient Julie Toubiana.
Comment éviter la transmission ?
La meilleure manière de protéger les nouveau-nés, martelée par les scientifiques et professionnels de santé, rappelée une nouvelle fois par la HAS, reste la vaccination des femmes enceintes. «Elle permet de transmettre les anticorps de la mère à son fœtus à un taux élevé pour protéger l’enfant après sa naissance, en attendant qu’il soit vacciné», insiste la praticienne. L’injection est recommandée entre la 20e et 36e semaine de grossesse, pour une transmission optimale. Mais, en France, la recommandation peine à prendre - il faut dire qu’elle ne date que de 2022, dix ans après le Royaume-Uni. Ainsi seules «16 % des femmes enceintes suivies par un médecin généraliste ont été vaccinées entre juin 2023 et mai 2024», rapporte la HAS ; le taux monte à un petit 18 % pour celles suivies par un gynécologue.
L’importance de la vaccination ne se limite pas aux femmes enceintes : l’ensemble des proches a globalement un rôle clef dans la transmission de la maladie. «La coqueluche n’est pas qu’une maladie de l’enfance, c’est aussi une maladie d’adulte, pointe Fatima Aït El Belghiti. A chaque fois qu’un nourrisson est contaminé, il y a forcément un adulte tousseur dans son entourage.» D’où la stratégie du «cocooning», qui consiste à vacciner les proches du nouveau-né pour le protéger dans ses premiers mois de vie.
Vu la «situation sanitaire actuelle», la HAS a renforcé ses recommandations en ce sens : elle préconise que «l’entourage proche» du nouveau-né reçoive une dose de rappel si la dernière date de plus de cinq ans - contre un délai de dix ans à partir de 25 ans prévu dans le calendrier vaccinal actuel. Même chose pour «tous les professionnels travaillant au contact des nouveau-nés et nourrissons de moins de 6 mois», comme les soignants à l’hôpital ou dans des cabinets de ville, les professionnels de la petite enfance, les baby-sitters réguliers…
En plus de la vaccination, d’autres précautions s’imposent pour protéger les plus fragiles. «Dès que des parents ont un symptôme respiratoire, même des signes de rhume, il faut porter un masque, s’assurer que personne dans son entourage n’a la coqueluche et consulter rapidement», résume Julie Toubiana. D’autant qu’à l’inverse de la varicelle, contracter la coqueluche n’empêche pas de l’avoir à nouveau. «Si vous l’attrapez, vous êtes immunisé entre dix et quinze ans, rappelle sa consœur. Si vous êtes vacciné, vous êtes protégé cinq à dix ans.»
Mis à jour le 24 juillet avec les nouvelles recommandations de la HAS.