Dans le village des Arrentès-de-Corcieux, dans les Vosges, l’eau du robinet n’est plus potable. La préfecture du département a annoncé mardi 14 octobre l’interdiction de la consommation de l’eau du robinet aux habitants en raison d’un taux de Pfas – des polluants éternels – sept fois supérieur à la norme.
Cartographie
Les analyses de l’eau du robinet de cette localité proche de Gérardmer, qui compte 180 habitants, ont démontré que la «concentration totale des 20 principaux Pfas s’élève en moyenne à 0,73 microgramme par litre», alors que la norme est «fixée à 0,1 microgramme par litre», indiquent la préfecture des Vosges et l’agence régionale de santé (ARS) Grand-Est dans un communiqué.
Une bouteille d’eau par jour et par habitant
L’arrêté préfectoral a dès lors interdit la consommation d’eau ainsi que son utilisation pour la préparation des biberons à partir de ce mercredi pour les personnes desservies par le réseau de la commune. Une mesure qui restera en vigueur jusqu’au «rétablissement de la qualité de l’eau». La toute première distribution de bouteilles, achetées par la communauté d’agglomération de Saint-Dié-des-Vosges a déjà eu lieu ce mercredi soir. Lors de ces rationnements hebdomadaires, chaque habitant recevra l’équivalent d’1,5 litre par jour.
En ce premier jour de distribution, consécutif aux réunions d’information lors desquelles les habitants ont appris la mauvaise nouvelle, le créneau prévu par la mairie a été volontairement étendu. «Nous sommes au lendemain des réunions et du coup de massue, donc on a fait assez large, en proposant aux habitants de venir chercher leurs bouteilles entre 14 heures et 18 h 30», détaille Virgine Lalevée, la maire des Arrentès-de-Corcieux, en fermant le garage où la distribution a eu lieu. Aux côtés de deux de ses conseillers municipaux, l’élue sans étiquette ajoute : «On se doutait bien que ça allait parler, ça allait poser des questions, ça allait échanger. Ils ne venaient pas juste chercher leur pack d’eau».
L’industrie textile dans le viseur
Selon la maire, les inquiétudes, nombreuses à l’annonce de la nouvelle, ne sont effectivement pas encore toutes dissipées. Lors des réunions, auxquelles au moins une personne par foyer devait assister, les autorités ont pourtant bien essayé d’y répondre. «Qu’est-ce que je risque ? Quelles sont les conséquences ? D’où ça vient ? Et depuis quand ? Est-ce qu’on va être malades ? Parce que les habitants ont du mal à envisager que ce n’est pas une simple bactérie qui était arrivée dans l’eau et que l’on peut traiter», liste l’élue.
Selon les associations Générations futures et Vosges Nature Environnement, la contamination pourrait provenir «des rejets d’une usine de blanchiment de textile». Les Arrentès-de-Corcieux se situent en effet à quelques kilomètres à peine de Gérardmer où l’industrie textile vosgienne était florissante au XXème siècle et dont les fleurons demeurent actifs.
Ceux-ci émettent des rejets traités dans une station d’épuration dont les boues «sont ensuite épandues sur des parcelles agricoles dans plusieurs communes voisines». Autrefois, jusque 2012 selon la maire et ses adjoints, des épandages de boues industrielles contenant des Pfas ont eu lieu à l’endroit où se trouve la source alimentant le réseau d’eau public du village. Ce dernier a été mis en service «dans les années 1980», d’après la maire Virgine Lalevée. De quoi contaminer les sols et les nappes pendant trois décennies.
Pour aller plus loin
Après les Ardennes, mais aussi dans la Meuse, où 17 communes sont concernées par la même problématique, «la situation dans les Vosges constitue le deuxième cas de contamination majeure très probablement liée à des épandages de boues de station d’épuration», estime Pauline Cervan, toxicologue chez Générations futures, citée dans un communiqué. «Ces deux situations illustrent la nécessité de mettre en place un suivi des Pfas dans les boues et, en attendant, d’interdire leur épandage par précaution», ajoute cette spécialiste.
Utilisés dans de nombreux objets pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes ou leur résistance à la chaleur, les Pfas, substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, dits «polluants éternels», peuvent avoir des effets délétères sur la santé. Entre autres : taux de cholestérol, cancers, effets délétères sur la fertilité ou le développement des fœtus.
L’association Générations futures avait dénoncé lundi un «retard dans l’information de la population» sur la pollution de l’eau dans cette commune. Par ailleurs, d’après un billet publié par la rédaction de Vosges Matin, des journalistes du journal local, de France 3 et d’Ici ainsi que des associations de défense de l’environnement n’ont pas été autorisés par la mairie à assister à une réunion publique sur la pollution de l’eau dans la commune. «Une entrave à la liberté d’informer et d’exprimer sur un sujet de santé publique», dénonce Vosges Matin.
Mise à jour jeudi 16 octobre à 9 h 13, avec l’ajout de la possible source de contamination.