C’est le premier cas cet été. Lundi 8 juillet, l’Agence régionale de santé d’Occitanie a signalé un cas autochtone de dengue à Montpellier (Hérault), le premier enregistré en France depuis le début de l’année. En 2023, une cinquantaine de cas autochtones de dengue – c’est-à-dire concernant des personnes infectées sans avoir récemment voyagé dans une zone de circulation du virus – avaient été recensés en métropole, contre 48 cas identifiés au cours entre 2010 et 2021. Activité humaine, urbanisation et changement climatique favorisent le développement du moustique tigres et la transmission de cette maladie virale, éclaire Anna-Bella Failloux, professeure en entomologie médicale et cheffe de l’unité Arbovirus et insectes vecteurs de l’Institut Pasteur.
A quel point le cas de dengue autochtone signalé dans l’Hérault est-il précoce ?
Ce cas est un peu précoce, mais ce n’est pas alarmant. En général, les cas autochtones en France sont répertoriés à la fin de l’été, en août, lors du retour des vacanciers qui peuvent être infectés et être la source de contamination des moustiques tigres. Il faut être vigilant avec l’arrivée des JO. Beaucoup de nationalités du monde entier vont se retrouver à Paris. Il va forcément y avoir des personnes infectées. Les moustiques tigres prolifèrent en ville, où les humains sont concentrés dans le même espace. Nous générons nous-mêmes des gîtes à moustiques.
Les moustiques se sont certainement contaminés en prenant du sang sur des cas importés, des voyageurs qui reviennent des Antilles, d’Asie du Sud-Est, d’Amérique du Sud, où la dengue circule. Vingt ans après son arrivée en France, le moustique tigre est présent dans plus de 80 % des départements de l’Hexagone. Sa biologie lui permet de résister aux périodes difficiles, notamment l’hiver. Il s’est adapté à son environnement et va de plus en plus le coloniser. Les cas de dengue vont fortement augmenter.
A Montpellier, les conditions sont propices à son développement et à la transmission du virus. Les températures commencent à être élevées de plus en plus tôt et le climat est relativement humide. En très peu de temps, ce moustique est capable de transmettre le virus via la salive. L’émergence de cas autochtones n’est donc pas inhabituelle.
Quel rôle joue le changement climatique ?
Avec le changement climatique, les moustiques tigres émergent de plus en plus tôt dans l’année avec des densités de plus en plus importantes. Plus il va faire chaud, plus le cycle de développement du moustique tigre va se raccourcir. L’hiver va arriver plus tard et le printemps plus tôt, donc on aura davantage de moustiques sur une plus longue durée. En avril 2024, treize fois plus de cas de dengue importés qu’en 2023 à la même période ont été recensés.
Le développement de l’espèce est aussi dû aux activités humaines. Les gens se déplacent, voyagent de plus en plus. Ils reviennent avec des maladies. La croissance de la propagation du virus provient d’une combinaison entre le changement climatique et les activités humaines.
La France semble être le territoire le plus touché par la diffusion de la dengue en Europe…
La France possède le système de surveillance le plus performant d’Europe qui traque tous les cas de dengue. Les maladies circulent beaucoup au sein des territoires ultramarins, en Guadeloupe, ou en Martinique. Le pays est donc bien préparé. Chaque personne suspectée d’avoir la dengue réalise un test et le prélèvement est envoyé au Centre national de référence à Marseille. La France n’a donc pas plus de moustiques tigres ou de cas de dengue que les autres pays européens.
Comment se prémunir des moustiques tigres ?
Il faut améliorer la communication auprès de la population autour des risques et sur les manières d’éviter la maladie. Il faut éliminer tous les gîtes larvaires, notamment dans les flaques d’eau stagnante. Le moustique a des pics d’activité, il agit plutôt en début et en fin de journée lorsque la température est moins élevée. Il faut ainsi éviter de s’exposer à l’extérieur à ces périodes-là et sortir avec des vêtements qui protègent les parties du corps accessibles aux moustiques. Il faut également fermer les portes, les fenêtres et installer des moustiquaires. Dans le cas ultime, utiliser des insecticides, mais ce n’est pas toujours efficace puisque à force, nous avons créé des populations de moustiques résistantes.