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Décryptage

Prix, conditions d’utilisation, effets secondaires… tout savoir sur le Wegovy, le médicament anti-obésité commercialisé en France

Le médicament phare du laboratoire Novo Nordisk, qui suscite un engouement international chez les patients et médecins, est disponible en officine en France depuis ce mardi. Uniquement sur prescription, pour les personnes en obésité sévère pour qui une première prise en charge n’a pas fonctionné.
Un tube de Wegovy, le 27 mars au laboratoire Novo Nordisk de Bourgoin-Jallieu (Isère). (Bruno Amsellem/Libération)
publié le 8 octobre 2024 à 16h14

La distribution du Wegovy, médicament anti-obésité vedette du laboratoire Novo Nordisk, s’accélère en France. Le laboratoire a annoncé ce mardi 8 octobre la commercialisation française de la molécule qui fait sa fortune. Autorisé par l’agence européenne du médicament début 2022 pour les adultes, puis en 2023 pour les plus de 12 ans, il n’était accessible en France qu’à 10 000 patients bénéficiant d’un accès précoce. Ces derniers présentaient une obésité dite «massive» (IMC supérieur à 40) et au moins une comorbidité liée à leur poids. «Nous pouvons effectivement le commander depuis aujourd’hui», confirme auprès de Libération Pierre-Olivier Variot, à la tête de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine. Mais seulement pour les patients qui ont une prescription.»

Pour quel public ?

Car même si le Wegovy peut être acheté, son utilisation reste très encadrée. Un communiqué de l’Agence nationale du médicament, aussi publié ce mardi, vient le rappeler : la première prescription ne peut provenir que d’un médecin spécialiste «en endocrinologie-diabétologie-nutrition ou titulaire de la formation spécialisée transversale “Nutrition appliquée”». Il ne s’adresse qu’aux patients de moins de 65 ans présentant un IMC d’au moins 35, donc en obésité «sévère». Il n’intervient qu’en «deuxième intention», c’est-à-dire qu’il s’adresse à ceux pour qui une première prise en charge alliant modification de la nutrition, de l’hygiène de vie et activité physique n’a pas fonctionné. Leur prescription pourra ensuite être renouvelée par un médecin généraliste. La prise de ce médicament doit aussi s’accompagner d’un suivi par des spécialistes de l’obésité.

200 à 300 euros par mois

Le Wegovy ne sera en revanche pas remboursé. Et cela ne devrait pas changer avant la fin des négociations sur le prix, menées par le Comité économique des produits de santé – et sur lesquelles le laboratoire entend certainement peser par cette annonce. La Haute Autorité de santé doit réévaluer le service rendu du traitement «d’ici la fin de l’année». Jusque-là, le prix du médicament sera donc fixé librement, comme c’est le cas dans la plupart des pays – une quinzaine – où il est déjà mis en vente. Novo Nordisk l’estime entre 9 et 12 euros par jour, soit 270 à 360 euros par mois. Prix largement prohibitif, anticipe Pierre-Olivier Variot.

Comment fonctionne la molécule ?

De là à réduire l’engouement pour le Wegovy, chez les patients comme la communauté scientifique ? L’annonce du laboratoire survient alors que la demande de cette molécule est de plus en plus importante. Novo Nordisk investit même des milliards d’euros pour renforcer sa production mondiale. Ce médicament est l’un des premiers nés de la nouvelle génération de médicaments anti-obésité : le sémaglutide, son principe actif, mime une hormone intestinale (le GLP-1) censée favoriser la sécrétion d’insuline et envoyer au cerveau un signal de satiété. Il s’agit de la même molécule utilisée dans l’Ozempic, son grand frère contre le diabète ; dans le Wegovy, le dosage est seulement un peu plus élevé.

Pour le prendre, les patients doivent s’injecter chaque semaine le produit, avec un dosage progressif. Ils perdent en moyenne 15% de leur poids initial au bout d’un an de traitement. Effet significatif, donc, particulièrement intéressant pour les personnes en obésité chez qui la maladie s’est installée et dont les médecins n’avaient jusqu’alors que peu d’options thérapeutiques en dehors de la chirurgie bariatrique. Bémol : le poids remonte dès que le traitement est interrompu. Il serait donc à prendre à vie.

Réduction de risques cardiovasculaires mais prudence

Les études essaiment aussi, ces dernières années, sur des effets bénéfiques au-delà de la perte de poids. Des résultats issus de l’essai clinique «Select», publiés fin 2023 dans The New England Journal of Medicine montraient une réduction de 20% de crise cardiaque, d’accident vasculaire cérébral ou de décès dû à une maladie cardiovasculaire. D’autres travaux, pour beaucoup encore préliminaires, leur prêtent même des effets sur des pathologies rénales, neurodégénératives, certains cancers… Toute la question est de savoir si ces bénéfices sont liés à la perte de poids – qui permet déjà de réduire de nombreux risques associés – ou la molécule elle-même. Les spécialistes invitent donc à la prudence.

Et gare à l’illusion d’un «médicament miracle» qui permettrait de perdre du poids d’un coup de baguette magique. Les patients interrogés par Libération témoignaient de nombreux effets secondaires : douleurs abdominales, nausées, vomissements, voire plus de fatigue. Il s’agit des plus fréquents, «non graves», qui poussent tout de même une personne sur dix à interrompre son traitement. Des effets indésirables plus graves mais moins fréquents sont également recensés, notamment des occlusions intestinales et des pancréatites (inflammation du pancréas). D’autres à plus long terme sont en cours d’évaluation, comme le risque de cancers gastro-intestinaux ou de la thyroïde.

Une vigilance accrue

Ils expliquent aussi la vigilance qu’entendent maintenir les autorités sanitaires françaises, en renforçant les études pharmaco-épidémiologiques. «En France, on va vite arriver à un million de patients traités par ces nouveaux médicaments anti-obésité [dont le Wegovy, ndlr]. Qui dit beaucoup de personnes traitées dit plus d’effets indésirables mis en évidence», soulignait déjà, début septembre, Isabelle Yoldjian, directrice médicale à l’Agence nationale de sécurité du médicament jointe par Libé. L’accessibilité du Wegovy en officine devrait logiquement accélérer sa distribution. Et avec elle le risque de mésusage, aussi surveillé de près. «Ces molécules doivent apporter des bénéfices chez les personnes atteintes d’une pathologie, pas répondre à des visées esthétiques chez des personnes qui ne sont pas malades», insistait encore Isabelle Yoldjian. Et pour lesquelles la fameuse balance bénéfices risques ne serait pas favorable. Concernant l’Ozempic, le mésusage est évalué autour de 1,5 % par l’Assurance Maladie – chiffre sous-estimé qui ne prend en compte que les médicaments dispensés en pharmacie et remboursés.

La commercialisation du médicament viendra sans doute soulager certains des 7 000 patients en France encore sous Wegovy, selon les données de Novo Nordisk, qui craignaient de ne plus avoir accès à leur traitement. Initialement remboursés dans le cadre de l’accès précoce, ils pourront avoir accès «gracieusement» au médicament «jusqu’à fin janvier 2025», informe le laboratoire. Il soutient ne pas vouloir «les laisser sans solution». Reste à savoir qui pourra se permettre de débourser plusieurs centaines d’euros par mois, alors que l’obésité est déjà marquée par d’importantes inégalités sociales.