Deux prix Nobel pour une découverte qui a fait les gros titres ces dernières années. La Hongroise Katalin Karikó et l’Américain Drew Weissman, pionniers des vaccins ARN messagers, ont reçu ce lundi 2 octobre le prix Nobel de médecine et de physiologie pour leurs recherches. «Les lauréats ont contribué au développement à un rythme sans précédent de vaccins à l’occasion d’une des plus grandes menaces pour la santé humaine dans les temps modernes», s’est justifié le jury.
Une petite surprise. Car si cette découverte leur avait déjà valu de nombreuses reconnaissances, le comité Nobel attend fréquemment plusieurs dizaines d’années pour reconnaître une percée décisive. «L’Académie pense peut-être qu’il lui faut encore étudier le sujet mais ils devraient gagner un jour», estimait la spécialiste des sciences à la radio publique suédoise SR, Annika Ostman, qui n’imaginait pas les voir gagner de sitôt.
L’an dernier, c’est le Suédois Svante Pääbo qui avait été récompensé pour le séquençage du génome de l’homme de Néandertal et la fondation de la paléogénomique, discipline qui a pour but la reconstitution des génomes anciens, animaux, végétaux ou encore microbiens. «En révélant les différences génétiques qui distinguent tous les humains vivants des hominidés disparus, ses découvertes ont donné la base à l’exploration de ce qui fait de nous, humains, des êtres aussi uniques», avait salué le jury.
Katalin Karikó, visionnaire
Le Nobel 2023 récompense le travail de longue haleine de Katalin Karikó qui a toujours été convaincue qu’on devrait pouvoir soigner les maladies en poussant le corps à fabriquer ses propres médicaments. Une première expérience avait montré des résultats positifs en 1990, quand des chercheurs ont injecté de l’ADN et de l’ARN dans des souris. Alors professeur à l’université de Pennsylvanie, Katalin Karikó voulait pousser le principe plus loin, jusqu’à concevoir des thérapies humaines.
Mais les obstacles étaient nombreux. Techniques d’abord, financiers ensuite. Peu de monde croyait en l’avenir des traitements par ARN et Karikó enchaînait les refus de financement pour ses recherches : «Chaque nuit je travaillais pour ça : subvention, subvention, subvention. Et quand les dossiers me revenaient c’était toujours non, non, non.» Mais à force d’acharnement, elle a trouvé la solution en 2005 : une étude signée avec son confrère américain Drew Weissman explique comment modifier un ARN de synthèse pour qu’il soit mieux accepté par le corps humain et puisse mener à bien sa mission.
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S’ensuivent la création d’une entreprise, le dépôt de brevets, et l’intérêt de certains chercheurs pour utiliser la technologie. Le travail de Karikó et Weissman est enfin consacré en 2020, en permettant la mise au point express de vaccins très efficaces contre le Covid. La technologie est arrivée à maturation au bon moment pour sauver des millions de vies. Mais ce n’est qu’un début, la première marche d’un long escalier qui mènera peut-être à l’éclosion d’une nouvelle génération de traitements.
Trop de candidats pour un seul lauréat
Avant l’officialisation des résultats, comme chaque année, les rumeurs allaient bon train ces derniers jours. Plusieurs experts s’attendaient à voir la recherche sur la narcolepsie récompensée, et en particulier le rôle clé d’une molécule baptisée orexine dans ce trouble du sommeil. Les chercheurs français Emmanuel Mignot et japonais Masashi Yanagisawa étaient notamment cités.
Annika Ostman pariait, elle, sur la découverte d’un biologiste américain, Kevan M. Shokat, dans la recherche sur les moyens de bloquer le gène KRAS, dont la mutation apparaît dans un tiers des cancers, dont ceux du poumon, du colon et dans les tumeurs du pancréas. Une nouvelle forme de thérapie appelée CAR-T permettant de programmer des cellules du système immunitaire à combattre le cancer ou la recherche sur le microbiote humain figuraient aussi parmi les recherches en vue, selon le dirigeant de l’institut spécialisé dans la prédiction des Nobel Clarivate, David Pendlebury.
En bref, résume ce dernier, «il y a plus de personnes méritant un Nobel qu’il n’y a de Nobel à attribuer». Et les recalés de 2023 pourraient être les lauréats des années à venir.
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