Debout dans un tube dont la température peut descendre à -180 °C pendant deux ou trois minutes grâce à de l’azote liquide : la cryothérapie, largement popularisée depuis les années 2000, est censée réduire la douleur et optimiser la récupération après un effort. Un traitement par le froid bien connu des milieux sportifs, avec la multiplication des centres spécialisés à travers la France.
La pratique a cependant provoqué la mort d’une employée d’une salle de sport et gravement blessé une cliente dans une salle de sport du XIe arrondissement de Paris lundi 14 avril. Selon les premiers éléments de l’enquête, une fuite d’azote de la cabine de cryothérapie serait à l’origine d’une intoxication ayant entraîné le décès.
Libération fait le point sur cette pratique mise en avant par plusieurs athlètes lors des derniers Jeux olympiques de Paris, mais aussi par de nombreux influenceurs sur TikTok, qui promeuvent également les bains d’eau glacée en plus de la méthode avec l’azote liquide.
Quels bénéfices avancés ?
La cryothérapie repose sur l’idée que l’exposition au froid intense est bénéfique pour l’organisme. Quelques études, souvent citées par les promoteurs de cette pratique, assurent que cela permet de réduire la douleur, d’aider à la récupération du corps et d’apaiser les rhumatismes. Interrogée par Libération, la cheffe du service de médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand, Martine Duclos, explique que la technique est adaptée pour traiter «les pathologies inflammatoires, les douleurs articulaires ou encore les rhumatismes» et permet de prodiguer «des effets anti-inflammatoire et antalgique puissants sur la douleur pendant plusieurs mois».
Pour quels résultats ?
Cependant, une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) soulignait en 2019 le peu de recul quant à l’efficacité médicale de cette pratique. Le rapport observait que les «études existent» mais que «globalement, les résultats sont décevants» : «D’une part, quand ils sont en faveur d’un effet positif de la cryothérapie, ces résultats sont modestes et mesurés uniquement à très court terme. D’autre part, la qualité méthodologique des études laisse beaucoup à désirer, ce qui doit amener à relativiser d’autant plus les effets positifs rapportés.»
Test
Quel encadrement ?
Martine Duclos rappelle que certaines précautions doivent être prises pour que le traitement par le froid se déroule en toute sécurité : «Il faut d’abord vérifier la tolérance de la personne, qu’elle n’ait pas des problèmes d’infarctus, de tachycardie ou des problèmes d’artères des membres inférieurs.» La séance ne doit pas se dérouler forcément avec un médecin mais avec «un professionnel formé dans un lieu approuvé». Par exemple une salle de sport qui en a l’autorisation.
En mai 2022, la Cour de cassation était venue préciser que s’il y a une destruction de la peau, la cryothérapie – vantée pour ses effets cicatrisants – devrait être pratiquée par des docteurs en médecine. Dans tous les autres cas, c’est un masseur-kinésithérapeute qui devrait intervenir sur prescription médicale. Sauf que l’Etat n’a pas mis en œuvre de mesures pour concrétiser ces restrictions. Interrogé en 2022, le ministère de la Santé disait travailler «à une clarification des circuits de signalement et de leur traitement».
Les esthéticiens et les instituts peuvent eux aussi avoir recours au procédé, mais uniquement dans le cas de la cryolipolyse. Une méthode à visée esthétique qui a pour but de détruire la graisse. Cette technique d’amincissement réalisée sur une zone précise se fait avec une température aux alentours de -5 °C, lors d’une séance de quarante à cinquante minutes.
Quels risques ?
La technique peut avoir des effets secondaires selon l’Inserm, qui cite entre autres des cas de «brûlures locales au 1er ou 2e degré, céphalées [maux de tête, ndlr] ou accentuations des douleurs présentes, urticaire chronique au froid, panniculite à froid [inflammation de la couche graisseuse sous la peau], intolérances digestives et plusieurs cas d’ictus amnésique [perte de mémoire soudaine et temporaire]». Une question écrite en mai 2022 par l’ancien député (Liot) de Lozère Pierre Morel-A-L’Huissier affirmait également que «certains instituts ont pu provoquer des effets secondaires graves sur des patients» par des manquements à la sécurité.
Mais dans le cas du drame de lundi à Paris, c’est l’azote lui-même qui semble avoir entraîné la mort de l’employée. Le gaz utilisé pour faire tomber la température à des niveaux extrêmes est inodore et peut provoquer la mort en cas de fuite car il appauvrit l’air en oxygène et entraîne rapidement intoxication et asphyxie, sans possibilité de réagir.