La récente alerte des autorités autour des risques du «Pète ton crâne» n’est pas remontée à ses oreilles. Pas besoin. Le lycéen assure en être revenu. Rencontré place Lino-Ventura dans le quartier de Pigalle à Paris, Arthur, 17 ans, a déjà acheté avec du PTC sur Internet. Ancien «gros fumeur» de cannabis, il soutient mordicus que «la mode du PTC va bientôt tomber». «J’ai acheté du liquide cet été sur Internet pour même pas 20 euros et j’ai fumé ça pendant quelques semaines. La défonce est beaucoup trop violente, mais ça m’a permis de tenir quelques jours sans acheter de weed [fleurs de cannabis chargées en THC, ndlr]», explique Arthur.
En France cette année, les cas d’intoxication liés au cannabis de synthèse, aussi appelé «Pète ton crâne» (PTC) ou «Buddha Blue», ont augmenté, notamment chez les jeunes. Selon Jérôme Langrand, chef de service du centre antipoison de Paris, entre 2019 et 2022, «quelques dizaines de cas» étaient signalés contre près de 200 en 2024. Après une alerte de l’Agence régionale de santé Ile-de-France concernant l’hospitalisation de deux jeunes soupçonnés d’avoir vapoté un liquide chargé en PTC, Véronique Massin, médecin conseiller technique du rectorat de Paris, a transmis début décembre un message aux établissements scolaires. L’objectif : faire de la prévention auprès du personnel éducatif, pour qu’il puisse repérer ces potentiels cas, notamment auprès des moins de 18 ans. Si certains lycéens croisés dans la capitale assurent qu’ils ont bien eu vent par leur établissement scolaire d’une alerte concernant le «Buddha Blue», la plupart affirment ne jamais avoir entendu parler du produit.
Décryptage
Le PTC, plus addictif que le cannabis
Vendue sous la forme de poudre, de liquide pour cigarettes électroniques ou pulvérisée sur des mélanges d’herbes appelés «blends», la molécule 5F-AKB4 derrière l’appellation PTC a été identifiée en 2013 par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives. Elle vient se fixer sur les mêmes récepteurs que ceux du tétrahydrocannabinol (THC, la molécule psychoactive du cannabis), mais produit des effets bien supérieurs à son cousin le joint. Certains liquides gorgés de cannabis de synthèse présentent des effets équivalents à une concentration de 95 % de THC.
Reportage
Plus puissant que le cannabis naturel issu d’une plante, le PTC est aussi plus addictif. Les addictologues décrivent les troubles entraînés par l’usage du PTC sur leurs patients consommateurs : dépressions respiratoires ou encore dysrégulations thermiques, avec chez certains, des hausses importantes de la température du corps, jusqu’à 41 °C.
Depuis un arrêté du 31 mars 2017, le PTC est classé sur la liste des stupéfiants en France. Pourtant, en quelques clics sur Internet, il est possible de se procurer aisément ce produit fabriqué en Chine, via des sites de revente ou auprès de livreurs sur l’application de messagerie Snapchat. Le PTC y côtoie d’autres drogues de synthèse, telles que la 3MMC ou la Kétamine.
Au-delà d’un attrait pour la découverte des nouvelles substances, certains se mettent au PTC également pour son prix. Et ses effets plus forts. Selon Arthur, le «high», la phase de relaxation recherchée par le fumeur, se transforme en une montée «violente» et «déconcertante», faite de vertiges. «Pas du tout appréciable quoi.» Après avoir terminé sa fiole de PTC, ce jeune Parisien est vite revenu au THC, le cannabis naturel. Il tourne désormais au CBD, le cannabidiol, la molécule non psychotrope du chanvre. «C’est quand même meilleur, c’est la nature», dit-il.
«Je ne comprends pas ceux qui s’y mettent»
Si le phénomène reste pour l’heure marginal, il n’est néanmoins pas localisé en région parisienne. En septembre dernier, neuf lycéens de Tournon-sur-Rhône, en Ardèche, ont été hospitalisés. Avant d’aller en cours, les élèves âgés de 15 à 17 ans avaient fumé du «Buddha Blue». Contacté par Libération, le ministère de l’Education affirme ne pas avoir engagé «d’action spécifique nouvelle en lien avec cette drogue de synthèse» mais rappelle soutenir les programmes de prévention des «conduites addictives en milieu scolaire […] en mettant particulièrement l’accent sur l’alcool, le tabac et le cannabis», tout en proposant aux enseignants des documents au sujet du cannabis de synthèse sur le site Eduscol.
A l’heure de la fin des cours, Maxime (1) et sa bande, des lycéens parisiens entre 15 et 17 ans, se partagent un joint avant de rentrer chez eux. «Ici on ne consomme pas de PTC. Je ne connais personne qui fume cette merde autour de moi», assure le chef de file, martelant que le cannabis de synthèse n’a «aucun intérêt». Ici, parmi la bonne quinzaine de lycéens qui ont les poches pleines, nombreux reconnaissent fumer un joint dès le réveil. «Je n’ai pas du tout envie d’essayer et je ne comprends pas ceux qui s’y mettent», lâche-t-il, avant de retrouver la paix en allumant son calumet.
(1) Les prénoms ont été modifiés.