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Refus, actes non consentis, douleurs minimisées : la Défenseure des droits pointe des discriminations dans l’accès aux soins

Dans les services d’urgence, Claire Hédon a relevé «une sous-évaluation» de la douleur et «de la gravité des symptômes exprimés par les femmes», écrit-elle dans un rapport publié mardi 6 mai.
Salle d'attente à l'hôpital François-Mitterrand, à Pau, le 20 janvier 2025. (Quentin Top/Hans Lucas)
publié le 6 mai 2025 à 8h29

Un système de santé à deux vitesses. Dans un rapport publié ce mardi, la Défenseure des droits, Claire Hédon, dénonce des discriminations dans l’accès aux soins et le parcours médical, qui visent particulièrement les femmes, les personnes d’origine étrangère ou en situation de handicap.

Chargée de veiller au respect des droits, l’autorité indépendante a auditionné toutes les autorités sanitaires et recueilli plus de 1 500 témoignages de patients et de personnels soignants. «Si les refus d’accès aux soins restent la forme la plus connue et manifeste, les discriminations peuvent survenir à toutes les étapes de la prise en charge et, de façon moins visible ou consciente, au sein de la relation soignant-soigné», peut-on lire dans son rapport.

En 2022, 224 plaintes ont été déposées devant les ordres professionnels et l’assurance maladie et 31 réclamations ont été envoyées à la Défenseure des droits mais l’«ampleur des discriminations dépasse largement» ces chiffres, précise l’institution.

En théorie, les professionnels de santé n’ont pas le droit de refuser un patient, sauf si la demande de soin ne correspond pas à leur domaine de compétence, s’ils ont un nombre trop élevé de patients ou si le patient en question a déjà été violent ou insultant à leur égard. Mais dans les faits et sur le terrain, cette règle fait l’objet de nombreuses entorses, que ce soit dans l’accès aux soins ou dans le parcours de soins, relève la Défenseure des droits.

Soins refusés, douleurs minimisées

Dans les services d’urgence, l’autorité indépendante relève «une sous-évaluation» de la douleur et «de la gravité des symptômes exprimés par les femmes». «Selon les cas, la douleur de la patiente est soit minimisée, soit remise en cause et renvoyée à une supposée anxiété ou à une souffrance psychologique dissimulée», dénonce-t-elle.

«Le “syndrome méditerranéen”, préjugé raciste sans fondement médical selon lequel les personnes d’origine nord-africaine ou noire exagèrent leurs symptômes ou douleurs», a quant à lui «pour effet une minimisation des souffrances exprimées» par ces patients «et /ou un refus de prise en charge, aux conséquences parfois fatales».

Autres victimes de ces discriminations : les personnes vulnérables économiquement, comme les patients vivant à la rue, qui en «raison de leur apparence physique, de leur odeur corporelle ou au motif de l’alcoolisation» peuvent se voir refuser l’accès aux urgences. Les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) et de l’aide médicale d’Etat (AME) rencontrent, eux, des difficultés à obtenir ne serait-ce qu’un rendez-vous, selon le rapport.

Quant aux personnes en situation de handicap, certaines se voient opposer des refus pour des motifs allant «du manque de temps ou de formation» aux «locaux inaccessibles ou à un matériel médical inadapté».

Impact «délétère»

Au-delà de l’accès aux soins, la Défenseure des droits s’inquiète «d’atteintes fréquentes» au droit du patient à recevoir les informations utiles pour faire un choix éclairé et donner son consentement. C’est le cas en particulier des femmes lors de leur suivi gynécologique avec des examens (frottis, échographie endovaginale, pose de stérilet) «réalisés sans information préalable et sans que leur consentement soit recherché».

Mais l’institution dit également avoir été alertée au sujet d’«actes de soins non consentis sur des personnes présentant un handicap psychique», comme l’administration contrainte d’une injection à un patient pourtant pris en charge sous le régime de la libre hospitalisation, ou le recours à la force, à la contention ou à l’isolement de manière accrue et non justifiée.

Ces discriminations ont des conséquences «délétères immédiates et durables» sur les patients qui finissent par reporter ou renoncer totalement aux soins, alerte la Défenseure des droits qui exhorte le gouvernement à mettre en place une stratégie nationale de prévention et de lutte contre ces pratiques.