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Interview

Restriction du nouveau traitement contre la bronchiolite : «La protection des tout-petits est une priorité»

Annoncée ce mercredi 27 septembre par le ministère de la Santé, la réservation partielle du Beyfortus aux maternités vise à garantir des doses suffisantes pour les nouveau-nés jusqu’à la fin de l’épidémie.
Au service de réanimation pédiatrique de l'hôpital Robert-Debré, à Paris, le 14 novembre 2022. (Adrien Selbert/Vu pour Libération)
par Benjamin Soyer
publié le 27 septembre 2023 à 19h32

Mieux vaut prévenir que guérir. Par crainte de manquer d’un nombre de doses suffisant tout au long de l’épidémie de bronchiolite, le ministère de la Santé a déclaré ce mercredi restreindre en partie le traitement monoclonal, victime de son succès. Mis à disposition depuis le 15 septembre, le Beyforus, dans sa version 50 mg, ne sera désormais plus disponible en dehors des maternités. Une position qui permet d’assurer la protection des plus petits avant qu’ils n’entrent en contact avec les microbes, selon Andreas Werner, président de l’Association française de pédiatrie ambulatoire et pédiatre libéral à Villeneuve-lès-Avignon (Gard).

Une douzaine de jours après sa mise à disposition, pourquoi le Beyfortus fait-il déjà l’objet de restrictions ?

C’est un traitement qui, à l’origine, est recommandé pour les enfants nés après le 6 février 2023, date de fin de la dernière épidémie de bronchiolite. Mais il y a évidemment un intérêt particulièrement important chez les tout-petits, étalés sur une série de naissances de plus ou moins six mois. Ce qui représente, vu la natalité actuelle, entre 325 000 et 350 000 enfants. Au regard de l’acceptation de la population vis-à-vis des nouveaux produits, qui avoisine par exemple les 30 % concernant le vaccin contre la méningite, l’Etat a décidé de jouer la carte de la sécurité et de ne se procurer des injections que pour 60 % de la population ciblée, donc 200 000 doses. Le problème est qu’on constate aujourd’hui une énorme demande sur ce produit, qui dépasse largement les prévisions. Il a donc été décidé de réserver à la maternité les 160 000 petites doses de 50 mg destinées aux enfants de moins de 5 kilos.

Pourquoi privilégier la maternité ?

Le but est d’injecter l’anticorps dans les deux jours suivant la naissance, avant que les tout-petits ne quittent la maternité et n’entrent en contact avec des microbes, car ils n’ont alors que de petites voies respiratoires et pas assez de force pour se débarrasser des glaires. La bronchiolite étant souvent plus importante chez les nourrissons, leur protection au cours des trois premiers mois est donc une priorité. En ville, on va pouvoir faire du rattrapage avec 40 000 doses de 100 mg, pour les enfants d’un poids supérieur qui n’ont pas encore reçu d’injection.

Cette restriction partielle vous semble-t-elle être une bonne idée ?

Disons que c’est une position tout à fait défendable, qui correspond à la logique médicale en période d’épidémie importante. Il n’y aurait rien eu de plus catastrophique que de donner toutes les doses maintenant et de se retrouver avec un stock vide début décembre, à la période de l’année où l’on constate le plus de cas de bronchiolite, pour les tout-petits qui sortent de la maternité. C’est forcément un peu dommage de devoir restreindre la protection à une population ciblée, mais le risque de contracter une forme grave, pour un bébé bien portant de plus de trois mois, est huit fois inférieur qu’au cours des premiers mois. Même si le risque existe, le problème que ça pose est surtout pour les parents : quand vous avez un enfant encore trop jeune pour la communication verbale qui a de la fièvre, qui ne mange pas bien et qui a du mal à respirer, c’est beaucoup plus stressant.

A l’approche de la saison hivernale, en quoi cet anticorps monoclonal est-il essentiel ?

En dehors des gestes barrières classiques, il n’existe pas de traitement spécifique pour la bronchiolite. Et l’avantage de cet anticorps, c’est qu’aucun travail n’est demandé au système immunitaire. C’est la raison pour laquelle on peut l’injecter dès la naissance, même chez des bébés un peu malades, et sans se préoccuper des autres vaccins faits à cette tranche d’âge. Il ne donne pas une protection à long terme comme le vaccin, qui permet au système immunitaire de reconnaître le germe chaque fois qu’ils seront en contact, mais son but est de protéger ces périodes de grande fragilité que sont les premières semaines de vie. D’autant plus en hiver, car la bronchiolite fait partie des principales infections respiratoires à cette période. Même s’il est impossible de prédire, à ce stade, si l’épidémie de cette année sera aussi importante que celle de l’année dernière.