La polio, une maladie susceptible d’handicaper à vie les patients atteints, en particulier les enfants, a largement disparu dans le monde grâce à la vaccination. Mais elle reste bien là et menace régulièrement de ressurgir, comme à Gaza où le premier cas a été confirmé vendredi 16 août, pour la première fois depuis un quart de siècle.
Un virus dangereux…
La poliomyélite est une maladie causée par un virus, le poliovirus. La plupart du temps, celui-ci reste dans le système digestif et cause peu, voire pas, de symptômes. Mais, parfois, il migre dans le cerveau et peut aboutir à une paralysie plus ou moins grave de certains membres. Cette paralysie peut ne jamais se résorber.
Le risque est, en soi, faible : environ 1 sur 200. Mais il est démultiplié à l’échelle collective par le caractère très contagieux du virus, d’autant qu’aucun traitement ne permet d’interrompre l’infection. Pendant des décennies, cette situation a fait de la polio l’une des maladies les plus menaçantes pour les enfants, susceptibles de rester handicapés à vie, bien que les adultes puissent aussi être gravement touchés.
…mais presque éradiqué
Menace largement répandue voici encore une quarantaine d’années, la polio a désormais très largement disparu dans le monde, notamment de l’Afrique. «Les cas dus à un poliovirus sauvage ont diminué de plus de 99 % depuis 1988, passant de 350 000 cas dans plus de 125 pays à six cas recensés en 2021», résume l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Ces derniers cas se concentrent dans deux pays, l’Afghanistan et le Pakistan, qui n’ont pas encore réussi à bloquer la circulation du virus sur leur territoire.
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Cela ne veut toutefois pas dire que la polio est absente d’autres pays. Une trentaine d’entre eux ont connu ces dernières années des cas de la maladie. Mais ils étaient soit directement importés des pays où la circulation est encore active, soit liés à la vaccination. Il existe en effet un très léger risque avec certains vaccins antipolio.
Le succès de la vaccination
C’est en tout cas grâce aux vaccins que le virus a largement disparu. Des campagnes sont organisées, sous l’égide de l’OMS, depuis des décennies dans le monde entier. Elles se heurtent parfois à des résistances locales, comme au Pakistan où des vaccinateurs sont régulièrement assassinés, notamment sur fond de rumeurs d’espionnage.
Les autorités de santé sont aussi confrontées à la difficulté d’expliquer qu’un petit risque est associé à l’un des types de vaccin utilisé, dit atténué. Ce vaccin, qui utilise un virus rendu moins agressif, peut, dans un cas sur plusieurs millions, causer une infection. Au vu des risques représentés par la maladie, le bénéfice de ce vaccin ne fait donc aucun doute. Reste que l’autre type de vaccin, dit à virus inactivé, est privilégié car il ne représente pour sa part aucun risque d’infection.
Des réapparitions régulières
La polio a beau avoir largement disparu, elle est encore loin d’être de l’histoire ancienne et reste une grande préoccupation de santé publique. «Tant qu’il y aura un seul enfant infecté par le poliovirus, les enfants du monde entier courront le risque de contracter la maladie», souligne l’OMS. Ce virus «peut facilement être importé dans un pays sans polio, puis rapidement se propager à travers des populations qui n’ont pas été immunisées», ajoute l’instance.
Cette menace ne concerne pas que les pays pauvres. En 2022, le virus a été détecté dans les eaux usées de New York, aux Etats-Unis, et à Londres, au Royaume-Uni. Cette détection ne veut pas forcément dire que la maladie va réapparaître sur place. Un cas a été signalé à l’époque à New York, mais il n’y en a pas eu à Londres. Seulement, les autorités britanniques ont été en mesure d’organiser une large campagne de vaccination auprès des enfants.
Le cas de Gaza
La situation apparaît différente à Gaza, où parallèlement à la problématique de la vaccination, la dégradation catastrophique des conditions d’hygiène favorise aussi la circulation du virus. Celui-ci a été détecté dans les eaux usées en juillet, avant la confirmation d’un premier cas vendredi 16 août, le premier en 25 ans, à l’issue d’analyses d’échantillons de selles de trois enfants gazaouis «présentant une suspicion de paralysie flasque aiguë, un symptôme courant de la poliomyélite» au laboratoire national jordanien de la polio. Il s’agit, selon le ministère palestinien de la Santé, d’un «bébé de 10 mois qui n’avait pas été vacciné», retrouvé à Deir El-Balah, dans le centre du territoire palestinien assiégé.
Quelques heures plus tôt vendredi, le patron de l’ONU Antonio Guterres avait appelé «toutes les parties à fournir immédiatement des assurances concrètes garantissant des pauses humanitaires pour la campagne» de vaccination.
Reportage
Avant lui, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Unicef avaient demandé des pauses humanitaires «de sept jours» pour permettre deux campagnes de vaccination pour plus de 640 000 enfants de moins de dix ans. Ces deux séries «devraient être lancées à la fin du mois d’août et en septembre 2024 dans l’ensemble de la bande de Gaza afin de prévenir la propagation du variant qui circule actuellement», connu sous le nom de cVDPV2, ont précisé les deux agences. Plus de 1,6 million de doses du vaccin nOPV2 doivent être acheminées à Gaza à la fin du mois d’août, selon le communiqué.
L’ONU souligne que la couverture vaccinale doit être d’au moins 95 % à chaque campagne de vaccination pour empêcher la propagation de la polio, «étant donné que les systèmes de santé, d’eau et d’assainissement sont gravement perturbés à Gaza».