A l’occasion des «Rendez-vous de l’histoire», qui se tiennent à Blois du 9 au 13 octobre 2024, les journalistes de Libération invitent une trentaine d’historiens pour porter un autre regard sur l’actualité. Retrouvez ce numéro spécial en kiosque jeudi 10 octobre et tous les articles de cette édition dans ce dossier.
Elle ramasse ce qui peut l’être à la fin du marché, nous dit l’archive, elle vit aussi de ce que lui donnent ses voisins et les commerçants arméniens du quartier – légumes, bois pour faire son feu. La situation est d’autant plus pénible à cette femme, est-il encore noté dans son dossier d’aide sociale, qu’elle jouissait autrefois d’une certaine aisance dans son pays, devenu en 1923 la Turquie. Qu’elle y avait un époux, un fils, une situation. Aussi, fait observer le document, la misère a-t-elle fini par entraîner, chez cette apatride arménienne domiciliée depuis 1935 à Saint-Etienne, un «déséquilibre mental» dont elle parvient toutefois à s’accommoder – s’ouvre alors, dans la noirceur, une brèche de lumière. C’est qu’en effet, elle trouve dans son entourage assez de ressources, assez de soutien pour ne pas flancher, s’évitant, par conséquent, l’hospitalisation dans un «asile d’aliénés». Ce serait cela, vivre à l’épreuve de la déchirure.
L’attention que porte l’archive ordinaire à des problèmes petits ou grands donne à voir des états de