Il y a Stéphanie, 18 ans, qui se levait «avec l’envie de mourir». Célia, 15 ans, qui a développé une «phobie scolaire» après avoir été harcelée à l’école, et s’est «scarifiée» tout en prenant des médicaments. Ou encore Manon, 23 ans, qui raconte sa prise de poids spectaculaire due au traitement qu’elle a suivi après une «première tentative de suicide». Disponible à partir de ce vendredi 10 octobre sur la plateforme FranceTV, à l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale, et diffusé mardi 14 octobre sur France 5, le documentaire SOS jeunesse en détresse s’attaque à un enjeu sanitaire majeur : le mal-être profond qui touche une partie importante de la jeunesse. Un chiffre parmi tant d’autres : selon une étude publiée par Santé publique France en 2024, près d’un quart des lycéens français déclarent avoir eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois.
Tout au long des soixante-dix minutes du film, ces jeunes se confient sur les troubles dépressifs sévères qu’ils ont développés sous l’effet du harcèlement scolaire, des réseaux sociaux ou d’une situation socio-économique précaire. Ils racontent également les difficultés pour bénéficier d’une prise en charge médicale adaptée, le désarroi de leurs parents face aux deux ans de délai pour décrocher un rendez-vous chez un professionnel de santé. Célia, avec ses mots, le résume crûment : «En fait, ils s’occuperont de moi quand je serai morte.» La pédopsychiatre de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) Naïma Boukhalfa décrit, elle, la faiblesse des moyens dont elle dispose : «On a 8 lits en pédopsychiatrie. Et on a tout le département, plus les Hauts-de-Seine, à gérer.» Une situation qui pousse certaines familles à se tourner vers les services de psychiatrie pour adultes, une pratique dangereuse pourtant interdite par la loi. Stéphanie avait 17 ans lorsqu’elle a vécu cette expérience : «J’étais avec des personnes qui criaient la nuit, qui se cognaient la tête contre les vitres. Une unité que j’aurais jamais dû voir normalement.»
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Le documentaire s’attelle à retracer les choix politiques qui ont mené à cette dégradation de la prise en charge, exhumant notamment des archives télévisées de divers SOS lancés, en vain, par la profession. En 2005, une pédopsychiatre témoigne : «Il y a un mal-être social évident chez l’adolescent. Ça suffit, qu’on nous donne les moyens de travailler.» En 2018, une soignante : «C’est la spirale infernale. On n’a plus le temps de parler. On n’a plus le temps de penser le soin.» En 2022, une pédopsychiatre : «On est une espèce en voie de disparition. Il n’y a plus personne pour soigner les enfants. C’est scandaleux.»
Trois ans plus tard, la tendance n’est pas bonne. Selon le documentaire, on ne compte plus que quelque 600 pédopsychiatres sur l’ensemble du territoire français. Une infirmière du centre pour adolescents de Nantes résume son état d’esprit : «Tant que je suis là, je lutterai. Et puis, un jour, je vais lâcher.» Corollaire de ce manque de moyens humains, la qualité des soins fournis aux adolescents pose question. La plupart des témoins affirment avoir été placés sous antidépresseurs dès leur première consultation chez un thérapeute. Une surmédication aux effets potentiellement délétères. Le film s’attache aussi à décrire comment le secteur privé lucratif s’engouffre dans des failles laissées béantes. Ainsi, des groupes comme Emeis se lancent désormais dans la construction de cliniques payantes. Un business plus que rentable, mais où le soin apparaît moins central qu’à l’hôpital public.