«Sage-femme volante» : la fiche de poste intrigue. Elle n’a pas de cape pour s’envoler, mais une valise à roulettes (avec utérus tricoté, tests de grossesse et appareil à tension). Depuis sept ans, elle arpente les talus des bords du périphérique, les parcs, les recoins des parkings, les caves à la recherche de familles sans abri et de ventres qui s’arrondissent. Véronique Boulinguez, 63 ans, a l’œil et une humanité rare.
Son poste a été inventé sur-mesure en 2016 par la mairie de Paris, dans le cadre d’un plan de lutte contre la précarité. «Quand j’ai commencé, les rares fois où je croisais une femme enceinte qui dormait dans la rue, j’alertais ma direction. Nous étions tous affolés et on lui trouvait une place tout de suite. Maintenant, c’est tous les soirs. On les laisse dehors. C’est presque devenu une routine.» L’agence régionale de santé d’Ile-de-France vient de dupliquer son poste tant le nombre de femmes à la rue explose.
Véronique Boulinguez est confrontée à une réalité que la plupart d’entre nous ignorent. Ou préfèrent ne pas voir. Le déni sociétal est coriace : comment imaginer qu’en France, une femme enceinte ou des nourrissons puissent survivre dans la rue faute de solution ? Chaque nuit, à Paris et ses alentours, elles sont pourtant des dizaines à dormir dehors, parfois avec des bébés sortant de la maternité