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«Un jeune qui fait un jogging à midi risque lui aussi un coup de chaleur» : la canicule, un risque pour la santé de tous

Les personnes âgées sont certes les plus à risques face aux températures élevées, mais tout le monde est concerné par les dangers de l’hyperthermie, qu’importe son âge. Même les plus jeunes doivent adapter leur comportement.
«Quand des jeunes décèdent à cause d’une hyperthermie, ce sont des années de vie perdues à cause de comportements évitables», illustre l’épidémiologiste Agnès Verrier. (Patrick Siccoli/SIPA)
publié le 28 juin 2025 à 6h53
(mis à jour le 12 août 2025 à 9h31)

L’été se poursuit et, pour la deuxième fois après la fin du mois de juin, l’Hexagone est en surchauffe. Vigilance rouge canicule déclenchée dans quatorze départements, 64 en orange ce mardi et une barre des 40 degrés qui se banalise tristement. Sortez les bouteilles d’eau, les éventails, les ventilateurs, les casquettes et tous les objets pour se prémunir de la chaleur. Ces mesures ne servent pas seulement à supporter un peu plus les températures élevées. Car si, quand on pense risques liés à la canicule, on imagine des personnes âgées, les plus jeunes – même ceux qui ne sont pas atteints de maladies chroniques – peuvent aussi se mettre en danger. Jusqu’à subir un coup de chaleur. Libé fait le point.

C’est quoi un coup de chaleur ?

Son nom courant pourrait induire en erreur. Pourtant, ce mal est le plus grave des affections liées à la chaleur. Il survient quand le corps est en surchauffe – dans le langage médical, on parle d’hyperthermie. Entre le 1er juillet et le 15 septembre 2023, elle concernait 17 % des 16 361 personnes prises en charge aux urgences à cause de la chaleur. Si la personne qui en souffre n’est pas refroidie, ses organes vitaux peuvent être atteints. Elle peut même en mourir.

Pour maintenir la température interne de notre corps autour 37 °C, nécessaire au bon fonctionnement de notre organisme, ce dernier déclenche plusieurs mécanismes quand il est exposé à la chaleur : transpiration ; accélération du rythme cardiaque ; dilation des vaisseaux sous la peau. D’où la sueur et les joues rouges. «Quand ces mécanismes ne fonctionnent plus correctement, le corps surchauffe», développe auprès de Libération Agnès Verrier, de la direction prévention et promotion de la santé chez Santé publique France.

S’ensuivent fièvre, nausées, propos incohérents, pouls et respiration accélérés, vertiges… L’organisme ne parvenant pas à éliminer la chaleur suffisamment rapidement, sa température continue d’augmenter. Le cœur, les poumons, les reins, le foie voire le cerveau peuvent être touchés, plus ou moins gravement.

Qui sont les plus à risques ?

«Le taux de passage aux urgences augmente significativement pour les personnes à partir de 70 ans, puis il explose à 80 et 90 ans, rappelle Agnès Verrier, coautrice d’une étude de Santé publique France publiée début juin, centrée sur les données de 2023. A cet âge, l’organisme est plus fragile, et on est plus souvent atteints de pathologie que la chaleur aggrave.» Les personnes atteintes de maladies chroniques y sont aussi plus sensibles.

Est-ce à dire que sous un soleil de plomb un adulte en bonne santé ne serait exposé qu’à un inconfort ? «C’est ce que pense beaucoup de monde. On le voit dans nos études, la chaleur n’est pas perçue comme un danger.» A tort. En 2023, tandis que la déshydratation était le principal diagnostic posé pour les plus de 70 ans passés aux urgences à cause de la chaleur, l’hyperthermie était le motif majoritaire chez les 6 à 49 ans.

«Le jeune qui décide de faire un jogging à la pause de midi en pleine canicule risque un coup de chaleur», illustre l’épidémiologiste. Les personnes précaires, contraintes de rester dehors ou dans des bouilloires thermiques par exemple, sont aussi plus vulnérables.

«Bien sûr, lorsque les températures sont élevées, le risque sanitaire est très important chez les personnes âgées. Mais quand des jeunes décèdent à cause d’une hyperthermie, ce sont des années de vie perdues à cause de comportements évitables», regrette l’experte en santé publique.

Comment s’en prémunir ?

Outre le fait de boire régulièrement«avant d’avoir soif» –, il faut éviter tout comportement susceptible d’augmenter sa température corporelle. C’est-à-dire rester au frais et limiter son activité physique. «Un jour de canicule, ce n’est pas le moment de se lancer dans du grand bricolage ou un ménage de printemps. Et si on ne veut pas renoncer à son jogging, on met son réveil à 6 heures du matin, on écoute son corps, on s’hydrate bien avant, on essaie de privilégier des trajets à l’ombre et faire plus de pauses», insiste Agnès Verrier.

Attention aussi à ne pas confondre les horaires d’exposition solaire et à la chaleur. Si l’intensité des UV culmine après midi jusqu’à environ 16 heures, le thermomètre peut continuer de grimper «jusqu’à 19 heures voire 20 heures, notamment en ville». La température peut alors rester élevée jusqu’à tard, voire tomber que de quelques degrés lors d’une nuit tropicale.

«On conseille d’avoir un thermomètre à l’intérieur et l’extérieur, pour comparer les températures et aérer dès qu’elles s’inversent.» Autre astuce : placer son ventilateur devant sa fenêtre ouverte, le matin, pour favoriser le renouvellement d’air plus rapidement – surtout quand son logement n’est pas traversant.

Attention toutefois aux fausses bonnes idées. Une douche glacée ne va pas aider son corps à refroidir – «l’organisme réagit pour maintenir sa température et dépense finalement de l’énergie, il vaut mieux privilégier de l’eau tiède». Idem pour les boissons trop fraîches. Sans parler de l’alcool lors des apéros estivaux, diurétique qui peut contribuer à la déshydratation. Santé publique France recommande aussi d’essayer de se passer de la climatisation, très polluante et, pour les petits modèles portables qui nécessitent de garder sa fenêtre ouverte – assez peu efficace.

Enfin, l’erreur serait de penser que cette attention à la chaleur doit se concentrer uniquement sur les périodes caniculaires. «Il faut adopter ces habitudes dès que les températures augmentent, prévient encore Agnès Verrier. Dans notre étude, on a observé des passages aux urgences tout l’été. La chaleur tue avant la canicule.»

Mise à jour mardi 12 août à l’occasion de la deuxième vague de chaleur de l’été