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Libération
Journal d'un système de santé en crise

Une loi sur la fin de vie n’est pas là pour rendre la vie plus confortable aux soignants

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Journal d'épidémie, par Christian Lehmanndossier
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Christian Lehmann est médecin et écrivain. Pour «Libération», il tient la chronique d’une société touchée par les crises sanitaires.
Les services antidouleur, les services de soins palliatifs, les avancées législatives se sont mis en place depuis 40 ans, avec plus ou moins de succès. (sittithat tangwitthayaphum/Getty Images)
publié le 8 juin 2024 à 12h50

S’il est un sujet dont je ne voulais absolument pas parler dans cette chronique, c’est bien celui de la fin de vie et de l’aide médicale à mourir. Parce qu’en parler sans faire référence à mon vécu de soignant, je le savais, serait compliqué, et que rien n’est plus bouleversant, et de nature à sidérer la pensée, que parler de ces expériences personnelles, comme le font pourtant nombre de politiques intervenant dans le débat actuel. Médecin généraliste depuis 1984 après avoir travaillé dans un service de réanimation pendant quelques années, j’ai vécu cette période grise, de déni, de non-dit, d’interdits formels en totale déconnexion avec notre réalité. J’ai été confronté à des situations de fin de vie, apaisées ou douloureuses, en ville comme à l’hôpital, dans une société radicalement différente de celle d’aujourd’hui. Le poids de la religion, des interdits, y était particulièrement fort, ainsi que les règles déontologiques que nous martelaient les représentants de l’Ordre des médecins.

Validisme triomphant

Comme beaucoup de médecins, j’ai fait ce que je croyais devoir faire, dans une zone de non-droit dont tout le monde détournait les yeux, et où nous nous trouvions seuls avec les patients et leurs familles. A l’époque, j’aurais rêvé que les choses soient explicitées, que ne soit plus cachée cette mort honteuse et tue, que la société s’empare de ce sujet et se tienne à nos côtés. Les choses ont évolué lentement, les services antidouleur, les services de soins palliatifs, les avancées législatives