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Libération
Prouesse

Une quatrième greffe d’utérus réalisée avec succès en France

La femme de 27 ans, née sans utérus, a reçu celui de sa mère le 14 juin, a révélé France Inter ce mercredi 25 juin. Trois enfants sont nés en France grâce à cette technique, réalisée pour la première fois en 2019.
A l’hôpital Foch, de Suresnes (Hauts-de-France). (Christophe Archambault /AFP)
publié le 25 juin 2025 à 17h27

C’était, en mars 2019, une victoire médicale et chirurgicale : parvenir à greffer un utérus à une femme qui en est dépourvue grâce à une donneuse vivante. Une première en France. Puis la prouesse a été répétée en septembre 2022. Une troisième fois un an plus tard. Une quatrième opération a été réalisée avec succès le 14 juin, a révélé France Inter ce mercredi 25 juin. Toujours à l’hôpital Foch de Suresnes (Hauts-de-France), par l’équipe du professeur Jean-Marc Ayoubi, chef du service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction. De quoi consolider «l’espoir pour des patientes nées sans utérus ou présentant une infertilité utérine causée par une hystérectomie ou un utérus non fonctionnel», se réjouit l’établissement dans un communiqué.

L’intervention a duré dix-huit heures, opération minutieuse aidée par la robotique qui a mobilisé une vingtaine de chercheurs. Elle s’est déroulée «comme prévu», soutient l’hôpital privé. Les deux patientes sont rentrées chez elles dix jours plus tard.

Soulagement et joie. Et pour cause. Comme les précédentes patientes, cette femme de 27 ans est atteinte du syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser (MRKH) – autrement dit, elle est née sans utérus. Sa mère, la donneuse, lui permet d’entrevoir une grossesse qui lui était jusqu’alors impossible. La fécondation in vitro est donc la prochaine étape de son parcours.

La situation était identique lors des précédentes greffes françaises : une femme infertile, qui reçoit l’organe de sa mère ou de sa sœur. L’expérience a porté ses fruits : trois bébés sont nés après ces greffes utérines. La première patiente, opérée en 2019, a donné naissance à deux filles quelques années plus tard. La deuxième a accouché fin 2023. Celle qui vient d’être opérée devra ensuite passer par une fécondation in vitro.

Environ 70 bébés nés dans le monde

Cette nouvelle prouesse ne devrait pas être la dernière : elle s’inscrit dans un protocole de recherche qui autorise 10 greffes de donneuses vivantes, uniquement pour des patientes atteintes du syndrome MRKH.

La France est loin d’être le seul pays engagé dans cette avancée. Le premier bébé après une telle greffe est né en 2014, en Suède, après une décennie d’expériences sur les animaux. Depuis, on estime qu’une centaine de transplantations ont été réalisées et que 70 enfants en sont nés. Un premier bilan sur l’état de santé des mères et de leur enfant a été publié l’été dernier dans la revue Jama : sur les 20 participantes, la greffe a été réussie dans 70 % des cas. Tous les succès se sont soldés par au moins une naissance, avec des enfants en bonne santé.

Les scientifiques relevaient tout de même des complications lors de la grossesse chez 11 des 20 receveuses surveillées, notamment de l’hypertension gestationnelle, une insuffisance cervicale (lorsque le col de l’utérus s’ouvre trop tôt) et un accouchement prématuré. Au-delà du cadre strictement médical, certains pointent des limites éthiques, notamment parce que ces interventions comportent des risques pour les patientes alors qu’elles ne sont pas vitales. D’autres soutiennent au contraire qu’il s’agit d’une alternative plus éthique à la gestation pour autrui.

La perspective de pouvoir réaliser des greffes d’utérus pour ensuite mener une grossesse à terme n’en reste pas moins un espoir sérieux pour de nombreuses femmes. En 2021, Jean-Marc Ayoubi estimait dans le Bulletin de l’Académie nationale de médecine que ce genre de transplantations pourraient «potentiellement s’adresser à 150 000 patientes en Europe présentant une infertilité utérine».