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Libération
Interview

«Une troisième dose de vaccin pour tout le monde n’est pas à exclure»

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Alors que le variant delta s’impose partout en France, l’immunité procurée par le vaccin diminue sensiblement avec le temps, justifiant pour la Haute Autorité de santé le lancement d’une campagne de rappel pour les plus vulnérables.
A Dijon, le 27 janvier, dans un Ehpad. (Marc Cellier/Libération)
publié le 25 août 2021 à 7h15

La Haute Autorité de santé (HAS) a tranché : les plus de 65 ans et les personnes à risque pourront bénéficier d’une troisième dose de vaccin, afin de se prémunir contre la «réduction de l’efficacité de tous les vaccins, en particulier contre le variant delta». La HAS préconise ainsi une nouvelle injection «après un délai d’au moins six mois suivant la primovaccination complète». Les personnes qui n’ont reçu qu’une dose après une contamination au Covid-19 ne sont pour l’instant pas concernées par cette nouvelle injection. Autre changement notable : quel que soit leur âge, les personnes ayant reçu la mono dose belgo-américaine Janssen sont finalement incitées par la HAS à recevoir un rappel «dans un délai de quatre semaines après la première injection». Pour Jean-Daniel Lelièvre, expert à la HAS et immunologue spécialiste des vaccins à l’hôpital Henri-Mondor à Paris, il ne s’agit pas de «contraindre» mais bien de «prévenir», au regard de la progression de l’épidémie.

Pourquoi la troisième dose est-elle préconisée en priorité pour les personnes vulnérables et les plus de 65 ans ?

Lors d’une contamination au Covid-19, le corps réagit en produisant des anticorps rapides et efficaces sur le court terme pour combattre l’infection. Il en produit un deuxième type, qui agit dans le temps et permet l’immunité. Cela fonctionne de la même manière avec l’injection de deux doses de vaccin. Cependant, même si le vaccin continue de protéger contre les formes les plus sévères, on commence à recevoir des premiers signaux, notamment concernant la baisse de protection face au delta et la baisse de l’immunité permise par le vaccin. Cela ne remet pas en cause sa pertinence, mais ça nous interroge sur l’évolution de l’épidémie. La baisse des anticorps chez les vaccinés n’est pas forcément majeure, mais la situation dans laquelle nous met le variant ne nous permet pas d’attendre que les signaux s’affolent. La troisième dose chez les plus de 65 ans et les personnes à risque est préconisée à titre de précaution car chez eux, les anticorps montent moins haut et l’immunité baisse plus vite. Le but reste de protéger les plus fragiles et d’éviter les formes graves. Une troisième dose pour tout le monde n’est cependant pas à exclure. Peut-être était-elle même nécessaire dès le début, mais il faut du temps pour calibrer un schéma vaccinal définitif. Si les deux premières doses ont permis de casser l’épidémie, un rappel permettra peut-être de la maîtriser sur le long terme.

Le vaccin Janssen, initialement délivré en mono dose, va lui aussi faire l’objet d’une seconde dose. Son efficacité est-elle remise en cause ?

Cette seconde dose, qui n’est pas obligatoire, ne met absolument pas en jeu l’efficacité du Janssen. Elle est proposée à titre indicatif pour un vaccin qui est déjà très pertinent en mono dose, mais dont les études sont encore en cours. C’est donc là aussi un principe de précaution que nous appliquons. Il faut comprendre qu’on va se retrouver dans le cas où de plus en plus de personnes vont recevoir une troisième dose, face à des personnes qui n’en auront reçu qu’une, on essaie de maximiser les chances pour une protection optimale. Ceux qui ont reçu une unique injection peuvent très bien rester ainsi pour le moment, tout en continuant d’être prémunis contre les formes graves.

Est-ce qu’on peut craindre un faible taux d’adhésion à cette campagne de rappel dans un contexte de méfiance vis-à-vis du vaccin ?

Cette campagne vise des gens qui ont déjà fait l’effort de recevoir deux doses, on peut donc espérer compter sur une approbation qui est déjà élevée. Il ne faut pas oublier que certaines personnes souhaitent se faire vacciner et se sentent rassurées par le vaccin. Ici, on offre simplement la possibilité aux plus vulnérables d’être davantage protégés. Cette recommandation n’est pas répressive, et ne vise pas à l’obligation vaccinale, il ne s’agit pas de forcer mais de prévenir. Au regard des données de la science et des potentiels risques liés à la baisse de l’immunité, on ne peut pas fermer les yeux par crainte de déplaire à certaines personnes qui estiment que c’est trop. Avec cette troisième dose, chacun reste libre de ses choix.