Pas de surprise : la chasse reste autorisée le dimanche. Comme toutes les parties prenantes du dossier s’y attendaient, la principale demande de nombreuses associations militant pour un jour hebdomadaire non chassé est fusillée. Le soulagement des chasseurs est à la hauteur de l’exaspération des anti-chasse. En déplacement ce lundi à Dry, dans le Loiret, Bérangère Couillard, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique, a dégainé 14 mesures gouvernementales visant à sécuriser la pratique de la chasse. Les plus marquantes avaient déjà fuité dans la presse : interdiction de chasser sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants, renforcement de la formation des chasseurs sur les questions de sécurité, lancement d’une plateforme permettant d’identifier les zones et horaires non chassés à proximité.
«L’Etat est à genoux devant le lobby de la chasse, mais on le savait déjà. Nous ne sommes pas déçus car nous n’attendions rien de ce gouvernement, réagit le porte-parole de l’Association de protection des animaux sauvages. Rien n’avance sur la question du partage de l’espace entre moins d’1 million de chasseurs et tous les autres usagers de la nature, c’est-à-dire des millions de gens.»
Non-chasseurs responsables
Même indignation du côté d’Un jour, un chasseur, le collectif créé suite à la suite du décès de Morgan Keane, 25 ans, tué accidentellement en décembre 2020 par un chasseur dans le Lot. «Les mercredis et dimanches sans fusil figuraient en tête de nos demandes, rappelle Léa Jaillard, cofondatrice du collectif. Je suis déçue, bien sûr, mais pour moi, le plus choquant, c’est d’avoir entendu Willy Schraen, président de la Fédération nationale de la chasse, menacer il y a quelques jours de mettre la ruralité à feu et à sang si un dimanche sans chasse était instauré.» L’application numérique qui permettra aux promeneurs de géolocaliser en temps réel les chasses en cours, et qui devrait être lancée à l’automne, est loin de convaincre Léa Jaillard, qui estime que cette initiative contribuera à déresponsabiliser les chasseurs : «Si un promeneur tombe sur des chasseurs et qu’un accident survient, on pourra lui reprocher de ne pas s’être renseigné. Les non-chasseurs seront donc tenus pour responsables en cas de problème. Une telle mesure revient à justifier l’insécurité des autres usagers de la nature.» Cette application pose également, selon elle, de nombreuses questions : «Serait-on désormais contraint d’aller se promener avec son téléphone ? L’application va-t-elle fonctionner en zone blanche ? Les chasseurs solitaires vont-ils se déclarer sur cette plateforme numérique ? Et comment feront les promeneurs les plus âgés, peu à l’aise avec de tels outils ?»
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Bérangère Couillard a également annoncé l’instauration d’un délit d’alcoolémie dès début 2023 : comme pour les automobilistes, un taux supérieur à 0,5 g /l dans le sang sera sanctionné. Selon le rapport du Sénat sur la sécurisation de la chasse, rendu public le 14 septembre, l’alcool serait à l’origine de 9 % des accidents de chasse. Mais cette mesure est qualifiée de «dérisoire» par Pierre Rigaux, écologue et naturaliste anti-chasse : «Une telle interdiction devrait exister depuis longtemps. La présenter comme une des mesures phares d’un plan pour la sécurité à la chasse est ridicule, presque insultant.» De plus, qui va tester les chasseurs ? où ? comment ? «Les agents de l’Office français de la biodiversité sont déjà trop peu nombreux pour assurer leurs missions quotidiennes», souligne Pierre Rigaux.
Pas de limite d’âge
Le plan gouvernemental, qui note que «2 accidents mortels sur 10 touchent des usagers de la nature», autrement dit des non-chasseurs, prévoit également de «renforcer les peines complémentaires en cas de condamnation suite à un accident». Une annonce qui, elle aussi, se révèle vague : les chasseurs à l’origine d’un accident mortel pourraient-ils être interdits de fusil à vie ? La question ne manquera pas se poser dès cette semaine : le jugement dans l’affaire Morgan Keane sera rendu jeudi.
Pas moins de trois accidents liés à la chasse ont été relatés dans des quotidiens régionaux samedi : en Haute-Saône, un chasseur à la bécasse de 67 ans a été blessé par des tirs au plomb ; dans l’Aube, un jeune homme de 19 ans a été blessé à la cuisse ; et en Corse, un chasseur de 84 ans est mort en manipulant son arme. A noter que rien, dans les mesures annoncées ce jour, ne concerne d’éventuelles limites d’âge pour les chasseurs. Le rapport sénatorial cité plus haut avait pourtant évoqué des auteurs de tirs mortels âgés de 77, 81 et 102 ans.