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A la marche des fiertés rurales : «A Redon, le public est différent, ça montre que la cause avance»

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Près d’un millier de personnes ont défilé ce samedi dans la ville d’Ille-et-Vilaine pour défendre les droits de la communauté LGBT + dans les petites villes et à la campagne.
Manon, vice-présidente du Nosig, le centre LGBT+ de Nantes, à Redon, le 1er juillet. (Theophile Trossat/Libération)
publié le 2 juillet 2023 à 17h43

Ils pensaient être 200 ou 300. Finalement, ils ont presque atteint le millier. Ce samedi à Redon se tenait la Marche des fiertés rurales. Une première pour cette petite ville du centre de la Bretagne, d’habitude aussi tranquille que le canal de Brest qui la traverse. Il est 18 heures et, dans la grisaille ambiante, la foule arc-en-ciel se réunit face au clocher de l’église Saint-Sauveur. Arrivée de Paris il y a trois ans, Amélie, une des organisatrices de l’événement, se réjouit du monde qui afflue. Elle se rappelle qu’à son installation ici, elle «pleurait» : «Il n’y avait aucun lieu de rencontre, rien pour la communauté LGBTQI +. Pourtant, nous aussi pouvons être heureux à la campagne.» Il y a un peu plus d’un an, l’idée a donc germé. «Nous nous sommes réunis, une trentaine de personnes, et demandé ce que nous avions envie de faire pour le mouvement. L’idée d’une Pride est revenue chez tout le monde.»

Pride de mai à octobre

Un an plus tard, nous y voilà. Sur les marches, avant le début de la procession, Yuna et Léa, 15 et 16 ans, se maquillent. Couronnes de fleurs sur leurs cheveux teints en rose, elles trouvent ça «sympa» que ce soit possible d’organiser ça à Redon, «où l’on n’a pas souvent l’occasion de s’exprimer sur ces sujets-là». Dans la foule, elles ont croisé des copains du lycée, quelques professeurs également. Comme Jacques et Claudine, la soixantaine : «C’est important de reconnaître et de soutenir ce mouvement. En classe, des élèves se posent plus ouvertement des questions sur le genre.» Au micro, les associations prennent la parole. Les Rennais de Ouest Trans dénoncent le «danger de l’extrême droite, notre premier ennemi». Le Cétéfesses, CTEFS, le Collectif trans du Finistère Sud, rappelle de son côté les violences policières dont la communauté est victime, «quand on refuse de prendre nos plaintes, quand on nous humilie». A quelques pas, une banderole noire en hommage à Nahel contraste avec les drapeaux arc-en-ciel. Vice-présidente du Nosig, le centre LGBT + de Nantes, Manon s’enthousiasme devant «l’énergie des petites villes» : «Avant, le mois de la Pride, c’était en juin, en référence à Stonewall [émeutes, considérées comme la première lutte LGBT + qui ont enflammé le quartier de Greenwich Village en 1969, ndlr]. Maintenant ça s’étale de mai à octobre et on en dénombre plus de 80 en France !»

Tandis que la marche débute dans le centre-ville – son techno, batucada et confettis –, quelques riverains se pressent à leurs fenêtres et observent, amusés ou placides, passer les panneaux. «Fières et deter» ou «Mieux vaut une paire de mères qu’un père de merde». Venue avec sa copine, Alana est en transition. C’est une habituée des marches. Elle énumère : «J’ai fait Nantes, Lorient, Rennes, Paris, et Redon donc.» Originaire d’un village près de Pontivy (Morbihan), elle confirme la difficulté de vivre en milieu rural quand on s’interroge sur son genre. «J’ai eu un switch lorsque je me suis installée en ville. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé ma transition. Tout était plus facile, il n’y a pas d’effet de rumeur ou bien, s’il y en a, je m’en fous. Et puis le suivi médical est plus aisé. Il y a des médecins, des associations.» Elle jette un regard autour d’elle. Des couples de quadragénaires venus avec leurs enfants. «Ici à Redon, le public est différent. Il y a moins de jeunes. Ça montre que la cause avance.»

Crêpes véganes et Moulin rouge

A l’arrière, le tracteur de la Confédération paysanne ferme le cortège. «On a fait pas mal de manifs avec dernièrement, donc on est aussi venus là en soutien», sourit la propriétaire. Car, dans le tranquille pays de Redon, la vie associative est pleine d’énergie. Pour preuve, ce samedi, deux soirées se font face à Saint-Nicolas-de-Redon, de l’autre côté de la Vilaine. Celle de Semeurs Fest, un festival dédié à l’art du ballon en papier de soie et celle des fiertés à l’Ecrouvis, une recyclerie de matériaux, installée dans un ancien bâtiment industriel. Ici les associations se retrouvent, on fait du pain le jeudi, on suit des formations en éco-construction ou on vient chercher son panier à Connexion paysanne, qui soutient les luttes en milieu rural. C’est ici que le collectif LGBT + s’est réuni plusieurs fois. A l’extérieur du hangar, à côté des fournitures de chantier et des crêpes véganes, une petite scène accueille une séance d’effeuillage burlesque. Debout sur un banc, une spectatrice se marre devant le mélange des genres. «Le Moulin rouge à l’Ecrouvis de Saint-Nicolas-de-Redon, c’est beau quand même.»