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Libération
Devoir de mémoire

A Paris, un mémorial pour les victimes homosexuelles de la déportation

LGBT +dossier
La France a inauguré ce samedi 17 mai son premier monument historique destiné à rendre hommage aux triangles roses, ces homosexuels déportés durant la Seconde Guerre mondiale.
Les Sœurs de la perpétuelle indulgence, le nom donné au mémorial LGBT+ inauguré au port de l'Arsenal le 17 mai. ( Kiran Ridley/AFP)
publié le 17 mai 2025 à 14h53

Reconnaissance. La déportation des homosexuels par l’Allemagne nazie a longtemps été un pan oublié de l’Histoire, pour ne pas dire mis sous silence. Ce samedi 17 mai, à l’occasion de la journée international de lutte contre les LGBTphobies, la France reconnaît enfin cette vérité historique. Un mémorial en hommage aux victimes homosexuelles de la déportation a été inauguré ce jour à Paris. «Reconnaître, c’est dire ‘‘cela s’est produit’' et dire ‘‘nous ne voulons pas que cela se reproduise’'», a déclaré la maire socialiste de la capitale, Anne Hidalgo, lors de cet événement.

Ce travail est d’autant plus «fort qu’il y a aujourd’hui des vents contraires, puissants, extrêmement dangereux qui voudraient nier cette diversité-là», a-t-elle ajouté. Avec ce mémorial, «il y a l’obligation de lutter contre la négation ou l’atténuation».

Etoile noire

Conçu par l’artiste Jean-Luc Verna, le mémorial — une immense étoile noire en acier de plus de trois tonnes — a été installé dans les jardins du port de l’Arsenal près de la place de la Bastille. «La face noire de l’étoile ce sont les corps qui ont été calcinés, c’est le deuil, c’est aussi une ombre qui nous dit que les choses peuvent arriver de nouveau», a expliqué l’artiste. «Et l’autre face, le miroir, c’est le présent, avec les couleurs du temps qui passe et le ciel de Paris qui change aussi vite que l’opinion publique peut se retourner».

Contrairement à Sydney, Barcelone ou Amsterdam, le choix d’un monument en forme de triangle rose — symbole cousu par les nazis sur les uniformes des détenus homosexuels dans les camps — n’a pas été retenu dans un souci d’inclure les victimes actuelles.

Des «discriminations qui perdurent»

«C’est important que ce mémorial ne soit pas un simple hommage symbolique mais un outil de transmission, un acte de reconnaissance publique et un espace de questionnement sur les discriminations passées mais aussi sur celles qui perdurent aujourd’hui», a insisté le président de l’association «Les Oublié·es de la mémoire», Jean-Baptiste Trieu. Cet espace doit nous «rappeler que les droits ne sont jamais définitivement acquis, que les haines savent se réinventer et que notre responsabilité est de rester debout ensemble.»

Selon les estimations, entre 5 000 et 15 000 personnes ont été déportées à l’échelle européenne par le régime nazi pendant la Seconde Guerre mondiale en raison de leur homosexualité. Pour la France, les chiffres des associations et des historiens varient entre une soixantaine et 200 personnes homosexuelles déportées. Il aura fallu attendre 2001, avec la prise de parole officielle de Lionel Jospin, Premier ministre, puis celle en 2005, de Jacques Chirac, alors président, pour que la France évoque ces crimes. Qui ne doivent pas être oubliés.