Née à Buenos Aires en 1936, fille d’immigrants juifs d’Europe centrale, Alejandra Pizarnik est souvent présentée comme une figure tragique de la poésie. Certaines biographies en ligne affirment qu’elle se serait suicidée, d’autres qu’elle serait morte dans un asile d’aliénés. Ses Œuvres complètes, publiées depuis 2013 aux éditions Ypsilon, accréditent l’image d’une femme en souffrance, obsédée par la nuit. Lorsqu’elle parle du présent, il est «sans mains pour dire jamais /sans mains pour offrir des papillons /aux enfants morts» (la Dernière innocence, 1956). Lorsqu’elle évoque l’enfance «et son odeur d’oiseau caressé» (les Aventures perdues, 1958), c’est pour pleurer son «état d’orpheline» : «Ceux qui arrivent ne me trouvent pas /Ceux que j’attends n’existent pas» (les Travaux et les nuits, 1965). Ponctués par les mots «ombre», «silence» et «cris», ses textes suggèrent l’idée d’un mal-être chronique : «On te martèle d’oiseaux noirs» dit-elle dans Extraction de la pierre de folie (1968), un recueil dont le titre reprend celui d’un tableau de Jérôme Bosch, dépeignant une trépanation.
Pizarnik parle souvent d’angoisse. Mais s’en tenir à cette image de «petite oubliée dans son jardin de ruines et de lilas» (selon ses propres termes) serait passer à côté d’elle. Car Pizarnik parle aussi volontiers d’amour – ou serait-ce de sexe ? – avec une fran