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LGBT+

Au Japon, l’obligation de stérilisation pour les personnes transgenres jugée «inconstitutionnelle»

La Cour suprême japonaise a estimé ce mercredi 25 octobre que l’obligation légale faite aux personnes transgenres de se faire stériliser pour pouvoir changer de genre à l’état civil imposait de «graves restrictions».
Des plaignants devant un tribunal d'Hamamatsu, dans le centre du Japon, le 14 octobre 2022. (Kyodo News/AP)
publié le 25 octobre 2023 à 13h14

Un pas de plus vers la liberté de disposer de son corps. L’obligation de stérilisation faite aux personnes transgenres, dans le cadre d’un changement de sexe dans les registres d’état civil, a été jugée «inconstitutionnelle» par la Cour suprême japonaise ce mercredi 25 octobre. Dans un arrêt très attendu, la plus haute juridiction nippone a jugé que cette obligation légale imposait de «graves restrictions» à la vie d’une personne et limitait «le libre droit à ne pas subir contre sa volonté une atteinte à son corps».

Au Japon - comme c’était le cas en France jusqu’en 2016 - une personne transgenre souhaitant que les registres d’état civil reflètent sa véritable identité de genre doit saisir un tribunal pour les affaires familiales, après avoir subi une chirurgie de réassignation sexuelle, en vertu d’une loi adoptée en 2003. Elle doit aussi prouver l’absence de capacité reproductive, ce qui nécessite généralement une stérilisation, et ses organes génitaux doivent avoir une «apparence similaire» à ceux du sexe auquel elle s’identifie.

Toute personne souhaitant ce changement d’état civil doit également être célibataire, ne pas avoir d’enfants mineurs et être officiellement diagnostiquée comme souffrant de dysphorie de genre, c’est-à-dire d’une détresse causée par une inadéquation entre le sexe assigné à la naissance et le genre auquel s’identifie une personne.

Après la décision de la Cour suprême japonaise, il faudrait désormais une loi pour faire évoluer ces contraintes dans le pays - par ailleurs le seul du G7 à ne pas reconnaître le mariage entre personnes de même genre ou les unions civiles au niveau national.

«Grave violation des droits de l’homme»

L’institution avait été saisie à la suite d’une action en justice lancée par une femme transgenre demandant à être légalement inscrite comme femme sans subir d’opération chirurgicale, au motif que la stérilisation obligatoire constitue une «grave violation des droits de l’homme et est inconstitutionnelle».

Sa demande avait été rejetée par un tribunal pour les affaires familiales, puis par une juridiction supérieure, avant que la Cour suprême japonaise ne tranche.

C’est la deuxième fois que cette institution était appelée à se prononcer sur cette question. Mais la première fois, en 2019, elle avait confirmé la loi, jugeant qu’elle avait pour but de prévenir des «problèmes» dans les relations parents-enfants pouvant conduire à de la «confusion» et des «changements brusques» au sein de la société.

La Cour suprême avait cependant reconnu le caractère invasif de cette loi, ajoutant que la législation devrait être revue régulièrement au fur et à mesure que les valeurs sociales et familiales évoluent.

«Anachronique, nuisible et discriminatoire»

Mais les défenseurs des droits LGBT + s’indignent des procédures médicales longues, invasives et potentiellement risquées auxquelles contraint le Japon Dans un rapport publié en 2019, l’ONG Human Rights Watch (HRW) avait estimé que cette obligation était fondée sur une notion «péjorative» selon laquelle la transidentité relève d’une «maladie mentale». «La procédure de changement légal de genre, qui nécessite une chirurgie de stérilisation et un diagnostic psychiatrique obsolète, est anachronique, nuisible et discriminatoire», a condamné HRW.

De la désinformation «associant des femmes transgenres à des violences sexuelles dans des lieux publics» se répand «très largement», a averti cette année une organisation japonaise pro-LGBT +. C’est le cas également aux Etats-Unis, où de multiples lois anti-trans ont été promulguées cette année.

Le débat évolue cependant dans l’archipel, traditionnellement conservateur. Au début de l’année, le pays a adopté sa première loi visant ostensiblement à protéger la communauté LGBT + contre les discriminations. Toutefois, les militants ont dénoncé la formulation édulcorée du projet de loi, qui ne s’oppose qu’aux «discriminations injustes».