Cet article est tiré du Libé spécial auteur·es jeunesse. Pour la cinquième année, Libération se met aux couleurs et textes de la jeunesse pour le Salon du livre de Montreuil qui ouvre ses portes le 29 novembre. Retrouvez tous les articles ici.

C’est le temps promis par l’application DeepNude pour «déshabiller n’importe quelle femme sur une photo». Il y a quelques mois, dans le sud de l’Espagne, 22 jeunes filles âgées de 12 à 14 ans ont subi cette humiliation en recevant des photos d’elles, nues, obtenues à partir d’images glanées sur leurs réseaux sociaux et modifiées par intelligence artificielle sans leur consentement. Hier, au Royaume-Uni, des associations de parents ont alerté l’opinion publique au sujet de la recrudescence du deepfake porn (ultratrucage porno en français) dans les cours de récréation de leur pays.

Comment expliquer l’envie qui préside à créer ce genre de contenus ? Vous vous souvenez de ce garçon ou de cette fille qui occupait chacune de vos pensées au collège et au lycée. Vous rentriez, fourbus, après de longues journées passées à étudier, pour vous réconforter dans le souvenir de l’image mentale volée à l’objet de vos fantasmes. Aujourd’hui, plus besoin de fermer les yeux, cette image vous pouvez la fabriquer de toutes pièces sur votre téléphone ou votre ordinateur. Mais pourquoi nos ados choisissent de rendre public une chose aussi privée (et précieuse) que leurs désirs ? Et surtout, pourquoi en faire un objet d’humiliation collective dont les filles sont les premières victimes ? Serait-ce une façon détournée d’assouvir leurs fantasmes inassouvis ? De prendre le pouvoir sur des filles qui se refusent à eux ? La question de l’influence de la pornographie sur la sexualité des jeunes n’est pas récente, les débats autour de l’intelligence artificielle ne font que la raviver, mais soulignent, un peu tristement, l’idée que l’intimité des adolescents se joue, aujourd’hui, bien plus dans le virtuel que dans le réel.