Dans Petites manies et grandes phobies (1), l’essayiste américaine Kate Summerscale en recense 99 et dresse le paysage mouvant de ce qui nous attire ou au contraire nous répugne. Son anthologie pleine d’anecdotes curieuses mêle des perversions cataloguées il y a deux siècles et des tendances sociétales tournées en dérision. Bien qu’il compile sans aucun sens critique toutes sortes de manies et de phobies classées par ordre alphabétique, l’ouvrage présente l’intérêt d’en résumer les origines et surtout les interprétations.
De fait, lorsque les psys ou les médias inventent des mots pour désigner une nouvelle maladie dans la liste inépuisable des anomalies mentales, il n’est pas rare que le mal en question soit perçu comme la conséquence de désirs refoulés ou d’une forme d’hystérie, voire de «déviance». Petites manies et grandes phobies est donc très instructif car il résume parfaitement cette obsession caractéristique de notre modernité : l’obsession de tout voir ou comprendre avec le prisme du sexuel.
L’autocontrôle devient la vertu cardinale
La peur des araignées par exemple : Karl Abraham, un disciple de Freud, suggéra que cette créature représentait une mère «vorace et castratrice», c’est-à-dire l’équivalent d’un organe génital féminin muni de pattes noires et poilues. Les arachnophobes (4 % de la population) furent même soupçonnés d’éprouver le désir, effrayant, d’un inceste maternel. De même, la pyro