Cet article est issu de L, la newsletter féminisme et sexualités de Libération, publiée le samedi. Pour recevoir L, inscrivez-vous ici !
«LE DROIT A L’AVORTEMENT» : comme un cri du cœur, le 4 novembre 1890, les lecteurs de Gil Blas découvrent en une de leur quotidien ce titre. Le texte est signé «Jacqueline», et il parle – pour la première fois aussi crûment en une d’un quotidien généraliste – de femmes avortées, de mères célibataires qu’on abandonne à leur sort, de femmes opprimées et surtout, de cette société hypocrite qui, avant «d’aller fouiller dans le panier à linge sale des sages-femmes ferait bien de payer ses dettes». «Jacqueline» écrit : «Lorsque les hommes ont placé l’honneur des hommes sous le cotillon [jupon, ndlr] des femmes, ils auraient dû songer, en même temps, à ne pas imputer de crime et à ne pas frapper de châtiments tout acte commis par la femme pour sauvegarder l’apparence de cet honneur-là.»
Il est fort, ce texte de «Jacqueline», pseudonyme de la journaliste libertaire Séverine. Il met en pièces la morale bourgeoise de la Troisième République, qui ne voudrait en son sein ni avortement ni familles nombreuses, et qui voudrait bien continuer à violer les bonnes sans qu’elles ne tombent enceintes. Moderne, ce pamphlet propose aux femmes une réappropriation de leurs corps, élevant au rang d’«Amazones rebel