Le phénomène est peu connu, mais concernerait aujourd’hui entre 7 000 et 10 000 jeunes en France. A partir de ce lundi, le gouvernement instaure un dispositif spécifique visant à mieux comprendre, prévenir et combattre la prostitution des mineurs. Porté par le secrétaire d’Etat chargé de la Protection de l’Enfance, Adrien Taquet, il sera déployé en 2021 et 2022.
Le plan va impliquer plusieurs départements ministériels (Enfance, Intérieur, Justice, Education nationale, Numérique, Ville, Tourisme et Egalité entre les femmes et les hommes) et compter quatre axes de travail : «sensibiliser, informer et mieux connaître» le phénomène, «renforcer le repérage à tous les niveaux» des jeunes impliqués, «accompagner les mineurs en situation prostitutionnelle» et «poursuivre et réprimer plus efficacement» clients et proxénètes.
La prostitution des mineurs touche surtout des jeunes filles, âgées de 15 à 17 ans, entrées dans la prostitution de plus en plus tôt, entre 14 et 15 ans pour plus de la moitié d’entre elles, relevait en juillet le groupe de travail animé par la magistrate Catherine Champrenault dans son rapport qui a inspiré ce plan.
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L’élément déclencheur peut être une fugue, pendant laquelle la jeune fille a besoin d’un hébergement, d’argent, et fait de mauvaises rencontres. Parfois c’est un «lover boy», un petit ami qui prostitue sa copine. Ou des photos «nudes» publiées sur les réseaux sociaux qui la rendent victime d’un chantage, relevait ce rapport.
Parfois elle ne se perçoit même pas comme une victime, aveuglée par l’amour ou sous emprise. Elle a l’impression d’être maîtresse de sa vie en gagnant de quoi être autonome. «Beaucoup d’adolescentes disent avoir fait le choix de la prostitution et ne pas la subir. Elles emploient d’ailleurs souvent pour en parler les termes de «michetonnage» ou d’«escorting» qui, pour elles, ont une valeur plus positive. Elles exposent leur activité en utilisant le vocabulaire du monde du travail (bosser, contrat, recrutement, entretien d’embauche…)», relevait ainsi le groupe de travail Champrenault.
«C’est pas de l’argent facile mais c’est de l’argent rapide. Il n’y a aucun moyen de faire autant d’argent en aussi peu de temps», témoigne Julie, 17 ans, dans le film Entr’Actes en mode mineur, de l’association Itinéraires, qui accompagne des jeunes prostitués à Lille.
Covid-19 et prostitution invisible
Issus de tous milieux sociaux, ces jeunes ont souvent en commun d’avoir été victimes ou confrontés à de la violence, notamment au sein de leur famille. Inceste, maltraitance, violences conjugales, précarité, alcoolisme dans le cercle proche ont entraîné chez eux des carences affectives, un manque d’estime personnelle, un attrait pour les conduites à risque, relevait le rapport.
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A côté de la prostitution traditionnelle de rue s’est développée ces dernières années, et en particulier avec le confinement dû au Covid-19, une prostitution plus invisible et plus jeune, relève Geneviève Colas, coordinatrice du collectif Ensemble contre la traite des êtres humains.
Le rapport Champrenault relevait également tout ce qui peut complexifier les enquêtes, comme les rendez-vous dans des locations Airbnb ou dans des hôtels appartenant à des chaînes, en périphérie des villes, sans présence humaine à la réception. Et de pointer également la «prostitution 2.0», avec des contacts pris sur des sites d’escort ou via les réseaux sociaux.