«En 2020, on estimait que le marché des produits menstruels, dit “marché de l’hygiène féminine”, allait atteindre 27,7 milliards de dollars en 2025.» Spécialisée en philosophie des techniques et en histoire industrielle, la chercheuse Jeanne Guien est l’autrice d’Une histoire des produits menstruels (éditions Divergences), un livre qui jette une lumière très crue sur cette vaste mystification dont les femmes sont victimes depuis la fin du XIXe siècle : on leur a dit que certains produits allaient les libérer. Ces produits sont conçus en vue de leur faire croire qu’elles deviendront plus modernes, plus performantes et plus attirantes si elles s’en servent. Avec pour résultat qu’on les transforme en consommatrices ayant honte de leur corps, prêtes à dépenser des sommes folles pour des fournitures polluantes et parfois même dangereuses pour la santé.
La démonstration de Jeanne Guien s’appuie, en trois chapitres incisifs, sur trois types de marchandises – les serviettes jetables, les tampons jetables et les applications de suivi du cycle menstruel – dont elle décrypte les effets pervers. Prenons les serviettes, par exemple. Pendant des siècles, les femmes utilisent des ceintures en chiffon, coton, gaze ou flanelle qu’il suffit de faire bouillir avec du savon pour les nettoyer. Découpés, cousus, tricotés ou crochetés, ces linges se lavent comme n’importe quelle pièce de vêtement. Les femmes s’en portent si bien que toutes les tentatives (dès 1880) de leur vendre des