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Paris : la création d’un centre d’archives LGBTQI bientôt actée ?

LGBT +dossier
Réuni depuis mardi 2 février, le conseil de Paris a adopté ce jeudi le principe de la création d’un lieu «autonome» destiné à conserver, à valoriser et à faire vivre la mémoire des minorités sexuelles. De quoi préfigurer l’aboutissement de ce projet, souhaité par les militants d’ici «à la fin de l’année» ?
Pendant la Marche des Fiertés le 30 juin 2018. (Adrien Selbert/Vu pour Libération)
publié le 3 février 2021 à 20h31
(mis à jour le 4 février 2021 à 18h00)

Serait-ce l’épilogue d’un feuilleton vieux d’une vingtaine d’années ? Mieux dit : se dirige-t-on vers une fin heureuse pour un serpent de mer de la politique mémorielle parisienne ? Une chose est sûre : le projet de centre d’archives LGBTQI + dans la capitale, ravivé par la sortie du film 120 battements par minute en 2017, est (peut-être) sur le point de trouver en ce début d’année une issue favorable. Et ce, malgré les atermoiements de la majorité municipale et les légitimes exigences militantes exprimées ces trois dernières années. En effet, réuni depuis mardi et jusqu’à jeudi, le conseil de Paris a examiné deux vœux - il y en avait trois au départ - visant à réaffirmer le soutien de la ville à la création d’un lieu pour accueillir, valoriser et faire vivre la mémoire des minorités sexuelles et de genre.

Gestion «autonome» et communautaire

Le premier, soumis par l’exécutif de gauche aux élus parisiens, puis adopté jeudi après-midi à l’unanimité des voix, demande notamment à ce que la municipalité identifie un local de son parc d’ici «à la fin de l’année 2021». Il s’agirait d’un espace «adapté et pérenne», mis à disposition des associations, et en particulier du collectif archives LGBTQI, pour gérer un centre d’archives de manière «autonome». Un modèle de gouvernance communautaire, inspiré de structures semblables à Amsterdam, Berlin ou San Francisco, que les militants exigeaient comme dans cette lettre ouverte publiée fin janvier dans les colonnes de Libération. «On se rapproche du dénouement, du moins, je l’espère, observe à ce propos Jean-Luc Romero-Michel, l’adjoint d’Anne Hidalgo de Paris chargé de la lutte contre les discriminations. Le projet, qui fait partie de la feuille de route que m’a donnée la maire, a suffisamment traîné et, pour une fois, il y a consensus.»

«Ça a toujours été un projet sur lequel on souhaitait que les choses avancent», renchérit l’adjoint écologiste à la maire David Belliard. Au printemps dernier, lors des élections municipales, le candidat des verts à la mairie de Paris promettait d’ailleurs la création d’un tel centre d’archives. Et de commenter, avec mesure : «On voit aujourd’hui se dessiner un accord politique sur sa gouvernance, un sujet longtemps conflictuel. Pour avoir suivi le dossier pendant des années, j’attends désormais que ça se fasse.»

La droite parisienne en partie favorable

Il y a cependant un signe que les temps ont changé et «que les planètes seraient alignées» pour la concrétisation de cette sempiternelle promesse : la droite parisienne est aussi - pour partie - en phase avec ce projet mémoriel. Pour preuve : un second vœu, déposé par le conseiller de Paris libéral Aurélien Véron, appelle également à la création d’un centre d’archives «si possible» dans l’un des ex-quatre arrondissements centraux. Il a d’ailleurs déjà été adopté en conseil d’arrondissement de Paris Centre la semaine passée, et a pris de court la majorité de gauche qui s’y est ralliée. «Il faut un espace suffisant, pas une cave, fonctionnel et digne dans Paris Centre pour stopper l’érosion communautaire du Marais notamment, réaffirme auprès de Libé le conseiller de Paris. Et comme ce projet a une dimension muséale, pédagogique et mémorielle, son autonomie est nécessaire sous l’autorité du collectif archives LGBTQI. J’ai d’ailleurs obtenu de Valérie Pécresse que la région Ile-de-France le soutienne financièrement.»

Ça se débloque donc. Ce qui à de quoi rassurer les militants (activistes, journalistes, universitaires, archivistes) pour qui il y a urgence à rassembler des centaines de mètres cubes d’archives dispersées dans toute la France dans un lieu vivant de transmission de l’histoire des luttes - entre autres. «On a mis beaucoup de temps à faire passer le message que la gestion de ce centre doit se faire par les personnes concernées comme cela se passe pour d’autres centres d’archives communautaires (le centre national de la mémoire arménienne, par exemple, ndlr)», raconte, prudent, Thierry Bertrand, du collectif archives LGBTQI.

Et d’ajouter : «Il semble néanmoins qu’il y ait une ouverture par rapport à l’équipe précédente, mais il faut encore que cela aboutisse. Un vœu n’engage pas la mairie malgré toute sa sincérité.» Car, d’un point de vue financier, la municipalité ne pourra pas financer à elle seule cette initiative «politique et collective majeure pour cultiver la mémoire des combats et des vies LGBT», selon la conseillère de Paris écologiste et activiste lesbienne Alice Coffin. En revanche «son soutien» à ce projet, explique-t-elle, sera un signal clair et «aidera à aller chercher d’autres financeurs» en vue de son aboutissement. «Nous devons porter cette mémoire vivante, c’est un devoir, une responsabilité et un élément d’identité de notre ville», s’est, elle, félicité Anne Hidalgo qui présidait la séance au moment du vote à l’issue favorable pour la création d’un centre d’archives LGBTQI. Avec ses deux questions, encore en suspens : où et quand ?