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Demi-teinte

Violences faites aux femmes : l’UE approuve des mesures de lutte mais laisse le viol de côté

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Les eurodéputés ont trouvé accord ce mardi 6 février afin de mieux lutter contre les mutilations génitales féminines, le mariage forcé ou encore la divulgation d’images intimes. Mais plusieurs pays, dont la France, se sont opposés à l’inscription du viol dans la législation.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à Strasbourg ce mardi 6 février 2024. (Frederick Florin/AFP)
publié le 6 février 2024 à 22h26

Une avancée en demi-teinte. Le Parlement européen et les pays de l’UE ont trouvé ce mardi 6 février un accord sur une première directive contre les violences faites aux femmes, pour mieux lutter contre les mutilations génitales féminines, le mariage forcé et la divulgation d’images intimes. Les eurodéputés ont toutefois déploré que le viol n’ait pas été inclus dans la législation, en raison de l’opposition, pour des raisons juridiques, d’une partie des États membres.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s’est réjouie de cet accord sur un texte qui permet de «garantir une même protection à toutes les femmes, dans tous les pays de l’UE, et dans le cyberespace», selon elle. «Il est grand temps que les femmes jouissent de ce droit fondamental qu’est le droit d’être à l’abri de la violence», a-t-elle réagi sur X.

Cette directive criminalise au niveau européen les mutilations génitales féminines, le mariage forcé, le partage non consenti d’images intimes, le cyberharcèlement, l’incitation à la haine ou à la violence en ligne. Ce qui ouvre la voie à des sanctions harmonisées au sein des 27 pays de l’UE. La législation contient aussi des dispositions destinées à protéger les victimes de violences et à leur assurer un meilleur accès à la justice.

Ce texte a fait l’objet d’intenses discussions pendant des mois. La question du viol s’est toutefois avérée la plus controversée, en l’absence de consensus sur sa définition juridique.

Le projet, tel que présenté le 8 mars 2022 par la Commission européenne, prévoyait dans son article 5 une définition du viol fondée sur l’absence de consentement. Le Parlement européen et des pays comme la Belgique, la Grèce, l’Italie, le Luxembourg et la Suède étaient sur la même ligne. Mais une douzaine d’États membres, notamment la France, l’Allemagne et la Hongrie, étaient opposés à l’inclusion du viol dans la législation, estimant que l’UE n’a pas de compétence en la matière et que le texte risquait d’être retoqué par la justice européenne en cas de recours. Le service juridique du Conseil avait aussi pointé des «risques» sur cette question.

«Interprétations juridiques restrictives»

Douze ONG, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont récemment accusé les États membres opposés à une harmonisation européenne de la définition du viol de «se retrancher derrière des interprétations juridiques restrictives des compétences de l’UE».

La définition du viol diffère selon les pays de l’UE. La loi suédoise considère par exemple comme viol tout acte sexuel sans accord explicite. En France la loi définit ce crime comme une pénétration sexuelle ou acte bucco-génital commis sur une personne avec violence, contrainte, menace ou surprise. Des voix s’élèvent depuis plusieurs mois pour revoir cette définition et y intégrer la notion de consentement, tandis que le gouvernement français fait valoir que la loi nationale est l’une des plus répressives en Europe.

Pour la France et l’Allemagne, ce crime n’a pas la dimension transfrontalière nécessaire pour pouvoir donner lieu à une harmonisation européenne. Ce que contestent le Parlement européen et la Commission, qui considèrent que le viol peut entrer dans le cadre de l’«exploitation sexuelle des femmes», qui fait partie des «eurocrimes». Les tenants d’une définition commune du viol autour de la notion de consentement font aussi valoir qu’elle est conforme à la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes, ratifiée par l’UE.

Les eurodéputés ont toutefois obtenu que le texte contienne une «obligation pour les Etats membres d’œuvrer en faveur d’une culture du consentement, avec des campagnes de sensibilisation». Le Parlement et le Conseil devront approuver formellement l’accord. Les États membres disposeront de trois ans pour mettre en œuvre cette directive.