Après plus de deux ans d’enquête, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) publie un nouveau rapport ce mercredi 24 septembre, qui décrit une société française encore «imprégnée» par la culture du viol, et où la voix des plaignants est trop souvent mise de côté.
153 000 personnes majeures ont déclaré avoir été victimes de viol ou de tentative de viol en 2022, énonce le rapport. 93 % des victimes sont des femmes tandis que 97 % des mis en cause sont des hommes.
En 2023, selon le rapport, 20 811 plaintes ont été déposées pour viol ou tentative de viol mais seulement 3,3 % d’entre elles (636) ont mené à des condamnations. «Les chiffres sont toujours aussi mauvais dans la condamnation des auteurs, déplore auprès de Libération Bérangère Couillard, présidente du HCE et ex-ministre déléguée chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations. C’est important pour nous de détailler la réalité du parcours des victimes.»
En premier lieu, l’institution évoque la nécessité d’une prise de conscience dès le plus jeune âge. Pour cela, le programme d’Education à la vie affective et relationnelle et à la sexualité a, en principe, été mis en place par le ministère de l’Education nationale à partir de la rentrée 2025. «Il faut ancrer ces principes le plus tôt possible chez les nouvelles générations. On ne peut pas reprocher à des très jeunes de penser qu’il y a des inégalités entre les femmes et les hommes car ils y sont confrontés tous les jours. Le sexisme est sociétal en France», assure Bérangère Couillard.
Accès pour les plaignantes en zone rurale
La commission évoque aussi la nécessité d’écouter davantage la parole des victimes. D’après un rapport du Sénat de 2019, 32 % des Français considèrent qu’il est fréquent que certaines accusent à tort leur agresseur pour se venger. En réalité, seules 3 à 5 % des plaintes sont classées comme fausses ou mensongères après enquête. «C’est un parcours du combattant d’obtenir justice. Pourquoi se lancer dans une bataille comme ça juste pour détruire quelqu’un ? questionne la présidente du HCE. Beaucoup de femmes ne sont pas prises au sérieux.»
Pour cela, l’institution prône une multiplication des unités médico-judiciaires (UMJ) sur le territoire, jusqu’à en avoir une dans chaque département d’ici 2030. Ces structures hospitalières permettent aux victimes d’être examinées par des médecins légistes dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction. «En zone rurale, les plaignantes sont souvent peu crues, isolées et non motorisées. Il est indispensable qu’elles aient aussi accès à des bons de taxi pour pouvoir se déplacer et témoigner aisément», scande Bérangère Couillard. Le rapport préconise également le déploiement du recueil de preuves sans plainte, comme le font déjà les UMJ de Tours ou de Lille.
Le HCE estime ensuite que les procédures judiciaires devraient être facilitées pour les victimes. Le rapport demande qu’une trame d’audition unique avec une liste de questions bien précise soit imposée aux commissariats. Il propose aussi que toute plaignante de violences sexuelles puisse bénéficier d’une aide juridictionnelle. «Aujourd’hui beaucoup de femmes renoncent car elles n’ont pas les moyens de prendre un avocat. Cela devrait être gratuit», affirme l’ex-ministre. De plus, la commission exige le déploiement de référents «violences intrafamiliales» dans les commissariats et les tribunaux de manière à traiter ces dossiers avec une véritable expertise.
«Ne pas raviver de traumatisme»
Au cours des procès, la commission considère que les victimes devraient avoir la possibilité de ne pas voir leur agresseur afin de «ne pas raviver de traumatisme». Elle désire également que les plaignantes aient la possibilité d’être filmées lors de la déposition de leur témoignage. «Cela leur éviterait d’être malmenées et de devoir se répéter à de multiples reprises», explique Bérangère Couillard.
Depuis #MeToo, les procédures ont explosé : entre 2016 et 2024, indique le rapport, les plaintes pour viol sur personne majeure ont été multipliées par trois, passant de 7169 à 22 352. Les plaintes pour agression sexuelle sur personne majeure ont, elles, été multipliées par deux : de 8 401 à 17 486. Les condamnations pour viol ont, elles, faiblement augmenté : de 30 % seulement de 1 017 à 1 300. La multiplication de ces procédures ayant entraîné une augmentation des délais de jugements, le HCE souhaite enfin une hausse des moyens alloués pour accélérer les processus.