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Subventions

Subventions de la LDH : à Tourcoing, Darmanin avait déjà tranché

Alors qu’il était maire de la ville du Nord en 2015, le ministre de l’Intérieur avait coupé la subvention municipale de 250 euros pour l’antenne locale de la Ligue des droits de l’homme, après une passe d’arme avec l’ex-responsable.
Gérald Darmanin en mars 2015, quand il commençait son premier mandat de maire de Tourcoing (Nord). (ANDBZ/ABACA)
par Stéphanie Maurice, correspondante à Lille
publié le 6 avril 2023 à 18h54

A Tourcoing, la ville du Nord où Gérald Darmanin a été maire jusqu’en 2020, la Ligue des droits de l’homme (LDH) ne touche plus aucune subvention municipale depuis 2015. Guy Fournier, l’ancien responsable de l’antenne locale, se souvient comme si c’était hier de la passe d’armes qui lui a valu cette sanction financière. A l’époque, Gérald Darmanin – qui en tant que ministre de l’Intérieur a mercredi fait planer la même menace sur l’association née en 1898 – venait de piquer la mairie au Parti socialiste, et son courrier d’accord de subvention précisait : «Malgré le contexte budgétaire particulièrement difficile de la ville endettée à plus de 144 millions d’euros […], l’équipe municipale a fait le choix de ne pas baisser la subvention versée à votre association.» Soit 250 euros. Plutôt amusé du contraste entre la formulation et la somme allouée, Guy Fournier imagine un coup d’éclat et décide de verser la subvention à un collectif de défense des Roms. Le geste n’avait rien d’innocent : pendant la campagne électorale, Gérald Darmanin, alors encarté LR, a fait du refus de l’installation de Roms à Tourcoing un de ses combats.

«Positions hyper conservatrices»

Alain Vantroys, l’actuel secrétaire de la section Roubaix-Tourcoing-Vallée de la Lys de la LDH, éclaire le contexte : «C’était mal engagé d’avance. Au moment de l’ascension de Gérald Darmanin, ils étaient plusieurs associatifs à être vent debout contre Darmanin, l’ancien attaché parlementaire de Christian Vanneste.» Ce député avait été exclu de l’UMP en 2012 pour des propos homophobes. Gérald Darmanin s’était démarqué de son ancien mentor, mais gardait la réputation de «positions hyper conservatrices», explique Alain Vantroys.

Dans sa lettre avertissant la mairie de son don au collectif Roms, Guy Fournier se permet une ironie : «Réussir à ne pas baisser notre dotation relève en effet de l’exploit.» La réponse de Darmanin est cinglante : «Sachez que ce qui est pour vous une aumône faite à votre association est pour une famille de Tourquennois, dans bien des cas, le quart du revenu mensuel du foyer, si ce n’est moins.» La lettre, datée du 18 mars 2015, affirme que reverser une subvention à une autre association est interdit par la loi. «Compte tenu de l’infraction envisagée, il sera proposé lors du prochain conseil municipal de retirer la subvention allouée à votre association», y est-il écrit.

«Une non-relation»

Dans la région, Tourcoing n’est pas une exception : à Hénin-Beaumont, la section locale de la LDH a été privée de son local par la mairie Front national ; à Roubaix, la municipalité, dirigée par Guillaume Delbar, un proche de Darmanin, a estimé qu’«elle n’avait pas vocation à financer des associations qui font du militantisme politique», après l’attaque en justice de la LDH de deux de ses arrêtés, anti-mendicité et anti-regroupement.

Depuis, avec la mairie de Tourcoing, désormais dirigée par Doriane Bécue, Gérald Darmanin lui ayant cédé son siège pour cause de cumul de mandats, «on est dans une non-relation», estime Alain Vantroys. La subvention n’a pas été rétablie, mais l’association participe au festival du film citoyen : «Jamais la Ville n’a mis son veto», reconnaît le secrétaire de la LDH. Il confie cependant son inquiétude : «Gérald Darmanin est à la pointe d’une tendance qui veut que dès qu’il y a contestation venant des corps intermédiaires, on les casse.»