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Libération
Reportage

«Supprimer des jours fériés, c’est une idée de merde» : à La Rochelle, on rejette la proposition de François Bayrou

La proposition formulée mardi par le Premier ministre semble mal accueillie sur le littoral de Charente-Maritime, entre acquis sociaux à préserver et refus de l’augmentation démesurée du budget de la défense.
François Bayrou, lors de sa conférence de presse, le 15 juillet 2025. (Albert Facelly/Libération)
publié le 16 juillet 2025 à 19h49

Absorbé par la beauté du littoral de la Charente-Maritime, Patrice n’avait pas prévu de parler de politique, ce mercredi matin. Il n’a pas entendu parler de la proposition lancée la veille par François Bayrou, qui veut supprimer deux jours fériés pour rapporter 4 milliards d’euros aux caisses de l’Etat. A chaud, Patrice n’y est pas opposé. «De toute façon, je suis retraité… S’il faut supprimer un jour férié, je ne suis pas contre.» Le lundi de Pâques plutôt que le 8 Mai, si possible, attachement à la paix oblige.

Mais réflexion faite, la priorité budgétaire de Patrice serait plutôt de «mettre un terme à toutes ces putains de guerre», que ce soit en Ukraine, à Gaza ou ailleurs. Emmanuel Macron a parlé de porter le budget du ministère de la Défense à 64 milliards d’ici 2027, soit un doublement en dix ans. Patrice n’est pas d’accord. «La guerre entraîne la guerre, ça ne finit jamais. Le réarmement, ça coûte cher, et il y a quand même des dépenses prioritaires : les hôpitaux, les écoles…», estime cet habitant de La Rochelle, qui se définit «de droite mais pas d’extrême droite».

«Les grosses fortunes, elles sont très peu touchées»

Pour Michel et Marie-Madeleine, croisés devant la plage des Minimes, à La Rochelle, hors de question de toucher à la commémoration de la victoire sur le nazisme. «On a toujours honoré le 8 Mai. C’est une mémoire qui ne doit pas être effacée», dit Marie-Madeleine, originaire de Thiel-sur-Acolin, dans l’Allier. Et le lundi de Pâques ? Pareil, veto unanime des deux anciens agriculteurs. On ne touche pas aux «acquis». «J’ai jamais été salarié, j’ai toujours été mon propre patron, et j’ai toujours respecté les avancées sociales qu’il y a eues», dit Michel de sa petite voix. «Les gens ne naissent pas pour passer leur vie au travail. Moi, je mettrais les gens à 32 heures par semaine, 30 heures même.» S’il faut de l’argent, Marie-Madeleine invite le gouvernement à le trouver ailleurs. «On vise toujours la grosse population qui a de petits revenus. Les grosses fortunes, elles sont très peu touchées.»

Sandra, 47 ans, regrette que les propositions visant à taxer les plus riches ne se traduisent jamais par des lois, au contraire des attaques contre les acquis sociaux. «On nous a déjà pris le lundi de Pentecôte, et c’est un échec, je pense qu’on peut s’arrêter là». Salariée de l’université de La Rochelle, elle croit à la paix par l’éducation. «Si on doit faire des économies je pense que c’est plutôt dans le budget de la défense.» «Ça, vu le contexte, c’est peut-être pas une bonne idée…», intervient Léo, 19 ans, étudiant en Staps, qui préférerait conserver les deux jours fériés mais qui comprendrait la suppression de «l’un des deux, plutôt le lundi de Pâques», pour financer un éventuel effort de guerre.

Wissam refuse ce raisonnement. «Il faut être complètement dupe pour penser que l’équation est aussi simple que ça. Le peuple a d’autres priorités que la guerre. Notre fille est en grande section de maternelle, elle n’a pas de maîtresse pour la rentrée», regrette cette ingénieure âgée de 39 ans, croisée sur la promenade du port de plaisance. «Et encore, on n’est pas dans la pire ville, on habite à Puteaux, dans les Hauts-de-Seine. Mais on voit que l’hôpital public suffoque, l’école aussi, et on a un gouvernement qui cherche à faire de mauvaises économies pour financer des dépenses dont on n’a pas besoin. La guerre, ça s’évite. Et là, on a l’impression qu’on la cherche.»

«Est-ce que le pays a déjà été bien géré ?»

Son compagnon, Mohamed, ne croit pas davantage à l’efficacité de la suppression des jours fériés. «Les jours de repos sont là pour une bonne raison. Si on fait ça, on va augmenter le nombre d’arrêts maladie», prédit ce comptable, passé par l’Assurance maladie, écœuré par les algorithmes qui remplacent les agents de contrôle, et qui se trompent de cible. «On tape sur des personnes qui ont vraiment besoin des aides publiques, et au contraire, on laisse tranquille des gens qui en abusent.» S’il faut faire des économies, c’est «au gouvernement, sur les avantages des ministres, et des élus en général», s’agace Mohamed.

Arnaud veut, lui aussi, s’attaquer au train de vie des élus, et au «gaspillage dans l’administration». «Franchement, supprimer des jours fériés, c’est une idée de merde. Le temps libre, pour voir la famille et les amis, c’est ce qu’on a de plus précieux», estime le quadra, originaire de La Jarne, près de la Rochelle. De gauche plus jeune, «de droite aujourd’hui», déçu par tous les gouvernements, Arnaud s’interroge : «Est-ce que le pays a déjà été bien géré ?»