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Enquête

Syndrome de Diogène : «Jeter est un geste impossible»

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Comment et pourquoi les personnes se mettent-elles à stocker indéfiniment ? «Libération» est parti à la rencontre de ceux touchés, de près ou de plus loin, par ce symptôme de maux profonds.
(Benjamin Adam/Libération)
publié le 21 août 2024 à 18h03

Ça commence par un ami d’un ami, qui a «un Diogène dans son immeuble, c’est l’enfer».

Ça commence par la découverte d’un cafard au milieu de la nuit, puis par des odeurs détectées derrière la porte du voisin d’à côté.

Ça commence par une enfance compliquée et des mécanismes de survie.

Ça commence par un questionnement : à partir de quand un objet devient un déchet, un souvenir, une aide ?

On connaît le syndrome de Diogène par des documentaires montrant des personnes âgées dans des logements surencombrés, à la fois capharnaüm et poubelle, où elles vivent tant bien que mal. Ceux qui présentent ce trouble, marqué par une accumulation compulsive, irréfrénée, inquiètent par le danger qu’ils occasionnent pour eux-mêmes et leur voisinage : risques d’incendie, insalubrité, présence de nuisibles. Mais nul ne sait combien ils sont. Et aucun d’eux ne se signalera. Malgré l’inconfort de leur existence, les personnes touchées par le syndrome de Diogène vivent à l’écart. Dans l’ombre de leur secret ils stockent, tout en s’interrogeant sur leurs maux et leur chemin de souffrance. Ils sont aussi le symptôme d’un monde sans joie et presque sans issue, que nous avons tenté de comprendre en allant à la rencontre des différents protagonistes touchés par ce syndrome, des deux côtés de la porte.

I. La propriétaire

«C’est fini, les locataires. Plus jamais ! Jamais.» En 2012, Elizabeth a la quarantaine, un peu d’épargne et l’envie d’investir. Elle acquiert, à l’aide d’un emprunt, une chambre de bonne de 9 m²