Un mercredi férié. Samassa ouvre la porte de chez lui. Une chambre exiguë dans un foyer de travailleurs immigrés à Montreuil, en Seine-Saint-Denis. Il partage la pièce avec son demi-frère qui turbine du lundi au dimanche – même pour la Toussaint. Les jours fériés sont rares dans la restauration. Il pose son long corps qui approche le double mètre sur son lit. Une théière et des cacahuètes à sa droite, sur un plateau ; une chaîne d’info en continu fredonne les mauvaises nouvelles, sur petit écran accroché au mur. Samassa, 43 ans, travaille dans les chantiers en empruntant l’identité de son cousin. Une technique courante pour les sans-papiers. Ça arrange les employés et les employeurs. Il est en France depuis dix ans. «Déjà», dit-il en repensant à son départ. Le Malien a laissé derrière lui trois enfants, une femme et ses parents. «Je leur parle presque tous les jours. Ils grandissent vite. La dernière était encore un bébé.» Samassa garde en mémoire le visage de sa mère. Un câlin qui ressemblait à des adieux. «Elle craignait que je n’arrive pas en France parce que la traversée est dangereuse, beaucoup de jeunes de la région, à Kayes au Mali, sont morts dans la mer, explique-t-il à voix basse. Mais elle savait aussi que les choses sont compliquées en France, que c’est dur de trouver des papiers, et qu’il est impossible de rentrer au pays sans trouver des papiers.»
«Je n’ai toujours pas rencontré mes petits-enfants»
Les travailleurs clandestins sont loin des leurs mais ils ne sont pas coupés du monde. <