Et soudain, des pleurs de bébé, stridents. Les 34 naufragés fatigués, qui posent un pied incertain sur le quai, ne se retournent pas, ne s’en étonnent pas. Il est 11 h 30 du matin, ce 11 novembre, au port de Dunkerque (Nord), et ils viennent d’être secourus en mer. Iraniens et Kurdes d’Irak pour la plupart. Ils ont été ballottés plus de deux heures dans un canot rudimentaire, mouillés par les vagues, avec un moteur tombé en panne à moins de 15 milles au large, avant d’appeler les secours. L’Angleterre, ce sera pour un autre jour. Des femmes surgissent de la cabine du bateau de la SNSM (Société nationale de sauvetage en mer) de Dunkerque. Avec elles, deux garçons aux cheveux de jais. Ils ont huit ans, et sont jumeaux. Le bébé de six mois, qui pleure, engoncé dans une couverture de survie, est leur frère Mohammed. Un sauveteur le tient serré, fort. «Le nourrisson, vous le mettez un peu au chaud ?» lance-t-il aux pompiers présents à l’arrivée. Les parents le suivent de près, mine inquiète.
Normalement, les gens de mer ont consigne par la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord de ne pas communiquer. Mais là, c’est comme un trop-plein qui déborde. «On a eu des bébés encore plus jeunes, de deux ou trois semaines», explique l’un des hommes. Un autre à côté se remémore : «Il y a deux ans, le 29 décembre… Il y a des sauvetages qui marquent par les gens qu’on secoure. Quand vous prenez un bébé et que vous pouvez le tenir entier dans vos mains, ça fait qu