Alors que le printemps s’achève à peine, la France entre dans sa première «canicule» de l’année. Cette fournaise dès le mois de juin est rare mais pas inédite, et ce n’est peut-être pas la dernière de l’été, tant le réchauffement climatique rend les vagues de chaleur plus précoces, plus fréquentes, plus longues et plus intenses. Il s’agit de «la cinquantième vague de chaleur depuis 1947», énumère Mathieu Sorel, climatologue à Météo France. Le rythme s’accélère puisque la France connaît deux fois plus de ces épisodes bouillants depuis les années 2000.
Ce vendredi et samedi, des températures remarquables sont attendues dans une grande partie du pays. Le thermomètre promet de «monter d’un cran» dans l’Ouest, détaille François Gourand, prévisionniste à Météo France. Il pourrait atteindre jusqu’à 34 °C localement vendredi, et même 38 °C à Tours, Rennes ou encore Toulouse, et plus globalement sur la moitié ouest au pic de l’épisode samedi. Les températures ne devraient pas être aussi élevées que lors des canicules de juin 2019 et en 2022, deuxième été le plus chaud après 2003 et sa terrible canicule, au cours desquelles des records à plus de 40 °C avaient été atteints.
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Cependant, «la nuit de vendredi à samedi sera notamment très chaude», sans descendre en deçà de la barre des 20 °C, prévient l’expert. En 2024, Nice avait connu une impressionnante succession de ces nuits dites «tropicales», avec 60 jours d’affilée. Sous l’influence du changement climatique, ce phénomène, qui met particulièrement à mal nos organismes, progresse en France, gagnant même l’Ile-de-France et les zones septentrionales. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, région la plus souvent touchée selon l’Insee, près de 80 % de population connaîtra, d’ici 2050, au moins 30 nuits tropicales chaque année.
«Soyez vigilants»
Durant cet épisode-ci, la région parisienne pourrait être largement affectée par la chaleur nocturne, notamment dans la nuit de samedi à dimanche, pour la fête de la musique. Selon la Chaîne météo, ce vendredi devrait afficher une température moyenne nationale de 26,7 °C. Soit le solstice d’été le plus chaud depuis près d’un siècle d’observations.
En conséquence, Météo France a placé 16 départements en vigilance orange («soyez très vigilants») à partir de ce vendredi midi, principalement sur la façade Ouest, de la Bretagne aux Charentes en passant par le Centre-Val-de-Loire, ainsi qu’en Isère, dans le Rhône et la Vienne. Un grand nombre de départements de l’Ouest et d’Auvergne-Rhône-Alpes étaient déjà en vigilance jaune canicule («soyez vigilants) depuis jeudi. «Cela correspond déjà à un risque pour les populations fragiles et les travailleurs en extérieur», avertit Valérie Scavarda de Météo France, en rappelant les bons comportements à adopter : bien boire de l’eau, rester dans un endroit aussi frais que possible, aérer la nuit, fermer fenêtres et volets la journée…
A l’inverse d’un «pic de chaleur», caractérisé par un épisode bref durant lequel les températures sont supérieures aux normales de saison, une canicule s’installe dans le temps, marquée par des températures élevées durant trois jours (et nuits) au moins. Les seuils de déclenchement de la vigilance canicule, qui varient en fonction de critères sanitaires et selon les départements – les populations sont plus habituées aux fortes chaleurs dans le Sud – sont généralement fixés à 20 °C la nuit et à 35 °C l’après-midi.
Printemps aride
Raison de ce mercure qui s’affole : un blocage anticyclonique en oméga, du nom de la lettre grecque en forme de fer à cheval. Une situation météorologique qui «empêche les perturbations venues de l’Atlantique de gagner le pays», tandis que les températures augmentent au fil des jours, vulgarise Météo France. Un dôme de chaleur s’installe et les températures ne cessent de croître. Jusqu’à s’auto-entretenir. L’atmosphère ne connaissant pas les frontières, la vague de chaleur concerne aussi d’autres pays de l’ouest de l’Europe. «Il fait déjà très chaud en Espagne» et on s’attend «certainement à un coup de chaud assez marqué sur l’Angleterre», précise François Gourand.
Au-delà des risques sanitaires, Matthieu Sorel met en garde contre une «chaleur qui se transforme en sécheresse agricole». Dans la moitié Nord du pays, les sols sont dépourvus d’humidité après un printemps anormalement aride. D’après Météo France, la journée de dimanche pourrait offrir un répit avec un rafraîchissement «assez marqué», notamment sur l’Ouest, mais la chaleur gagnera l’Est et une nouvelle hausse du thermomètre est possible en milieu de semaine prochaine. Alors que les émissions de gaz à effet de serre ont moins baissé que l’année précédente en France en 2024, cette première canicule vient éprouver les corps et rappeler aux esprits que sans réduction drastique de ces rejets réchauffants, la planète deviendra une fournaise. Et Matthieu Sorel de prévenir : «La question n’est pas de savoir si nous aurons 50 °C, mais plutôt quand est-ce que nous aurons 50 °C en France.»
Mis à jour ce jeudi 19 juin 2025 à 19h32, avec plus de contexte.