Vingt ans après la loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, un rapport sénatorial publié ce jeudi 3 juillet fait le constat d’un «faux départ» de la politique du handicap dans les territoires d’outre-mer et de grands retards par rapport à l’Hexagone. L’étude menée par les sénatrices Audrey Bélim (groupe socialiste, écologiste et républicain), Annick Pétrus (Les Républicains) et le sénateur Akli Mellouli (groupe écologiste-solidarité et Territoires) vient compléter le bilan de la loi de 2005 du groupe d’études «handicap» de la commission des affaires sociales du Sénat. En effet, la part de personnes en situation de handicap est largement supérieure dans les départements et régions d’outre-mer (Drom), que dans l’Hexagone.
Selon une fiche de la direction de recherche des études, de l’évaluation et des statistiques publiée en 2024, «8% des jeunes de 15 à 24 ans et 12% des personnes de 25 à 64 ans qui vivent [dans les Drom] sont handicapés, contre respectivement 5% et 10% en France métropolitaine». Selon les parlementaires, cela s’expliquerait en partie en raison de facteurs environnementaux et sanitaires propres aux territoires ultramarins comme la pollution au mercure liée à l’orpaillage ou encore l’alcoolisation fœtale. Toutefois la situation varie en fonction des territoires. Ainsi, quand 4% des enfants âgés de 5 à 14 ans en Hexagone sont concernés par un handicap, ce taux est de 6% en Guadeloupe, Martinique et à la Réunion, et atteint 21% à Mayotte.
«Invisibilisation des besoins»
Ces chiffres, cités dans le rapport sénatorial, datent cependant de 2021 et ne comprennent pas les collectivités d’outre-mer. Mais ces données, lacunaires, restent essentielles au regard de la quasi-absence d’études sur le sujet. Micheline Jacques, présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, à l’initiative du rapport, estime que la rareté des travaux sur le sujet contribue à «l’invisibilisation des besoins» des Français ultramarins en situation de handicap.
Offre de transport en commun insuffisante, manque criant de professionnels et de structures adaptées… Les rapporteurs pointent des politiques publiques encore loin des objectifs de la loi de 2005. Ainsi, l’offre d’accueil médico-social est encore insuffisante. Par exemple en Guyane, les rapporteurs notent «un taux de 0,7 place en maison d’accueil spécialisées pour 1 000 habitants contre 1,7 dans l’Hexagone». Les délais de traitement par les maisons départementales pour les personnes handicapées sont également particulièrement longs et dépassent souvent les délais réglementaires de 4 mois, jusqu’à atteindre 9,8 mois en Martinique.
Nécessité d’un plan propre aux outre-mer
La particularité insulaire des territoires rend d’autant plus coûteux et laborieux un accompagnement adapté. «On a des gens qui doivent prendre l’avion pour une consultation sur une autre île», explique Akli Mellouli. «En Guyane, il faut se rendre en pirogue pour rejoindre certains endroits», abonde Annick Pétrus. Des particularités ultramarines qui ne sont pas prises en compte par les politiques publiques, soulignent les sénateurs. «Les personnes en situation de handicap souffrent d’une double insularité», ajoute Akli Mellouli.
Pour les rapporteurs, le plan gouvernemental des 500 000 solutions pour accompagner les choix de vie des enfants et adultes en situation de handicap de 2024 à 2030 devrait être complété d’un plan propre aux outre-mer sur dix ans, avec Mayotte en priorité. Ils listent seize recommandations, avec par exemple la proposition d’une représentation des outre-mer au sein du Conseil national consultatif des personnes handicapées, la création d’un service public du transports à la demande, ou la priorisation dans les actions de relogement des familles touchées par le handicap.