Les migrations sont-elles synonymes de gain de connaissances ? Pour les chimpanzés, oui. C’est en tout cas ce que semblent avoir conclu trois docteurs de l’université de Zurich en Suisse dans une étude publiée jeudi 21 novembre dans la revue Science. Dirigé par la doctorante en écologie évolutive humaine Cassandra Gunasekaram, l’article fait le lien entre la complexité culturelle de certains chimpanzés et les migrations, rappelant qu’elle entend par culture «un ensemble de comportements socialement appris». Pour documenter ces comportements, la chercheuse se fonde principalement sur la transmission et l’évolution entre les groupes de chimpanzés de la pratique de la cueillette.
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Cassandra Gunasekaram a combiné des données génétiques récentes sur la migration des chimpanzés avec les archives du Programme panafricain sur la culture des chimpanzés. Elle s’est penchée sur la transmission de 15 pratiques différentes de cueillette parmi 35 populations issues des 4 sous-espèces de chimpanzés. Résultat ? Les méthodes de cueillette les plus complexes – comprenant l’usage d’outils sophistiqués, comme des formes de marteaux – étaient plus étroitement liées aux marqueurs génétiques récents de la migration de chimpanzés, «ce qui suggère que ces comportements proviennent probablement d’une transmission culturelle entre les groupes», analyse l’article. A l’inverse, les comportements impliquant des outils simples ou l’absence d’outils sont faiblement associés à des marqueurs génétiques de migration récente. Ces pratiques auraient donc potentiellement émergé dans les régions de manière indépendante au cours de l’évolution.
Les liens entre le chimpanzé et l’être humain se rapprochent
Dans la famille des hominidés, le chimpanzé est considéré comme l’espèce de singe la plus proche de l’homme. Mais contrairement au chimpanzé, dont l’observation des populations note une connectivité limitée entre elles, l’être humain s’est démarqué au fil de son évolution par la nature cumulative et complexe de sa culture. Aujourd’hui, l’étude de Cassandra Gunasekaram, «enthousiaste à l’idée de vérifier si le processus de diffusion culturelle chez les chimpanzés était comparable à celui des humains», affirme que «la connectivité entre les groupes» semble jouer un rôle dans «l’accumulation culturelle» des chimpanzés. Et ce alors que leur culture est considérée comme plus simple et moins complexe que celle des êtres humains. Il y a 6 millions d’années, l’ancêtre commun des chimpanzés et des humains avait probablement la capacité d’accumuler des connaissances, mais cette dynamique a pu être limitée par de faibles niveaux de migrations entre les groupes, comme cela a été le cas pour les chimpanzés.
L’homme, devenu de plus en plus social et mobile au fil de son évolution, a pu développer complètement cette capacité. «Cette étude apporte des preuves que les chimpanzés pourraient également avoir une culture cumulative dite naissante, à un rythme beaucoup plus lent que chez les humains», affirme Gunasekaram à Libération. L’étude, selon la chercheuse, pourrait être «l’une des premières à montrer l’importance des connexions et des contacts entre les groupes pour l’évolution d’une culture complexe chez les chimpanzés».