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Justice

Une Française revenant de Syrie renvoyée aux assises dans un procès pour génocide

Accusée d’avoir réduit en esclavage une adolescente yazidie au printemps 2015, Sonia Mejri va devenir la première française à être jugée, à une date encore indéterminée, pour ce crime passible de réclusion criminelle à perpétuité. La jeune victime se dit «prête à s’exprimer».

Mariée à un émir du groupe Etat islamique, la femme de 36 ans aurait participé à des actions "de nature à entraîner la destruction" de la minorité yazidie, en Syrie. (Xose Bouzas/Hans Lucas. AFP)
Publié le 07/10/2025 à 11h39, mis à jour le 08/10/2025 à 17h03

Une décision historique. Une revenante de Syrie jugée devant la cour d’assises spéciale de Paris pour génocide, complicités de crimes contre l’humanité et infractions terroristes. La française Sonia Mejri, 36 ans, va comparaître, à une date encore indéterminée, pour des agissements à l’encontre de la communauté yazidie, cette minorité ethno-religieuse kurde. Elle et son ex-mari Abelnasser Benyoucef, émir du groupe Etat islamique sont soupçonnés d’avoir réduit en esclavage, au printemps 2015, une adolescente appartenant à cette minorité, âgée alors de 16 ans. Rafida Naif, la jeune fille concernée, «se tient à l’entière disposition de la justice française pour venir témoigner en personne, à l’occasion de ce procès, des faits d’une extrême gravité qu’elle a personnellement subis en tant que membre de la communauté yazidie», ont indiqué à l’AFP ses avocates, Me Clémence Witt et Me Anaïs Sarron.

Sonia Mejri, actuellement détenue, conteste les faits qui lui sont reprochés. Cette comparution inédite survient après de nombreux démêlés procéduraux. Après un premier refus, la chambre de l’instruction de la Cour de cassation a fini par avaliser début juillet ces poursuites pour génocide, avant le feu vert définitif de la Cour le 1er octobre. «En acquérant» l’adolescente «et en la soumettant à un enfermement, à des viols répétés et à des privations graves, le couple participait à l’attaque dirigée par l’EI (Etat islamique) contre la communauté yézidie», avait justifié le magistrat antiterroriste à l’origine de la demande.

La première française à être jugée pour le crime de génocide est considérée comme «garante de l’enfermement» de la jeune Yazidie : elle détenait la clé de l’appartement et portait, selon l’ordonnance de mise en accusation consultée par l’AFP, une arme pour la dissuader de fuir.

«La cour d’assises [...] aura à connaître de la qualification criminelle la plus sévère de notre droit», celle de génocide, «et examinera s’il ressort des débats que Rafida Naif a été victime de faits commis en exécution d’un plan concerté de l’EI tendant à la destruction totale ou partielle de la communauté yazidie à laquelle elle appartient», souligne aussi Me Clemence Witt, spécialiste de ce type de dossiers internationaux, auprès de l’AFP. Saluant une «décision historique», l’avocate «se félicite que la justice avance dans ce dossier concernant les faits extrêmement graves et très anciens». Pour la première fois une cour d’assises examinera des «charges cumulatives, c’est-à-dire des accusations constitutives à la fois de terrorisme et de crimes internationaux», a-t-elle poursuivi.

L’accusation reproche notamment à Sonia Mejri «des atteintes graves à l’intégrité physique et psychique» de cette adolescente, soumise à son domicile «à des conditions d’existence de nature à entraîner la destruction» de sa communauté. La trentenaire avait déclaré au cours de l’enquête n’avoir «aucun droit» sur l’adolescente, car son ex-mari en était le «propriétaire». Abdelnasser Benyoucef sera jugé par défaut comme auteur de génocide et de crimes contre l’humanité, et pour des infractions terroristes. Présumé mort en 2016, il est visé par un mandat d’arrêt.

«L’innocence de ma cliente sera prononcée par les juges du siège lors du procès», a réagi l’un des avocats de Sonia Mejri, Me Nabil Boudi. «Les magistrats de la cour d’appel n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur les charges, c’est dire la fragilité et la faiblesse de l’accusation», avait-il aussi pointé.

Mise à jour le 8 octobre 2025 à 17 heures avec les réactions des avocates de la jeune Yazidie